Il a effectué trois vols à bord de la Navette spatiale, a rejoint la station Mir et a séjourné à la Station spatiale internationale. William (Bill) S. McArthur est aujourd’hui retraité de la Nasa. Interview exclusive avec Futura.
William (Bill) S. McArthur a été recruté par la Nasa en 1990 après une première carrière comme pilote d’essai pour l’agence et pour la Marine. Futura l’a rencontré à l’occasion de la journée portesportes ouvertes du centre technique de l’Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne aux Pays-Bas, qui clôturait une semaine de congrès de l’ASE, l’association des explorateurs spatiaux, où McArthur a retrouvé de nombreux collègues astronautes.
Futura : Vous avez fait votre première mission STS-58 en 1993 à bord du module Spacelab (extension de la Navette spatiale), au cours de laquelle des rats ont été disséqués en orbite, ce qui a fait scandale à l’époque. Racontez-nous !
Bill McArthur : Nous avions 48 rats blancs à bord de la navette ColumbiaColumbia. C’était pour une mission de recherche biomédicale. On voulait mieux comprendre les effets de la microgravité sur les personnes et les organismes vivants. Nous avions l’obligation éthique de ne pas maltraiter ces animaux, de les traiter avec humanité. Mais la dissection est la méthode pour avoir des informations sur eux. Avant la mission, il y a eu des inquiétudes de la part d’organisations comme la PETA (People for the Ethical Treatment for Animals) qui était contre l’expérience. Les Instituts nationaux de la santé (NIH) ont des réglementations très strictes qui nous demandaient de vérifier l’état des rats toutes les 24 heures avant le décollage [dans la navette, sur le pas de tir, NDLRNDLR]. Cela a d’ailleurs retardé notre vol. Il avait déjà été retardé deux fois à cause de la météométéo et d’un problème technique et il a fallu le reporter une troisième fois pour échanger les rats avec d’autres dont le suivi de santé était plus régulier pendant les précédents reports.
Futura : Au cours de votre deuxième vol avec la navette spatiale STS-74 en 1995, vous vous êtes amarrés à l’ancienne station spatiale russe Mir. Comment voyez-vous évoluer les relations avec la Russie ?
Bill McArthur : J’ai été jeune lieutenant dans l’armée américaine. À ce moment-là, notre plus grande inquiétude était l’Union soviétique. Mais, en 1994, quand j’ai commencé l’entraînement pour cette mission en collaboration avec la Russie, j’ai pensé que c’était le début d’une fabuleuse ère de relations internationales où les deux opposants de la guerre froide étaient en train de devenir amis et partenaires. Pendant plus de dix ans, je suis allé plusieurs fois m’entraîner en Russie. J’y ai vécu pendant quelque temps et je pensais que c’était l’âge d’or de la collaboration internationale dans l’espace. Ce qui se passe aujourd’hui me rend triste pour plusieurs raisons, d’abord à cause de la souffrance qu’endure le peuple ukrainien, de la perte de nombreuses vies en Russie, et aussi du fait que maintenant l’avenir nous éloigne de toute collaboration internationale. C’est malheureux, mais j’espère que c’est temporaire.
Futura : Dans les années 1970, l’astronaute Tom Stafford et le cosmonaute Alexeï Leonov ont motivé la mission spatiale Apollo-Soyouz (1975) commune entre la Nasa et l’Union soviétique, et ont cohabité dans l’espace bien avant la fin de la guerre froide. Peut-on espérer profiter de nouveau aujourd’hui du rôle pacificateur des astronautes ?
Bill McArthur : Je suis venu à l’Estec à l’occasion du congrès annuel de l’ASE [Association of Space Explorers, qui réunit tous les astronautes du monde, NDLR], qui a été en partie fondée par Tom Stafford et Alexeï Leonov. Nous continuons de promouvoir la collaboration pacifique dans l’espace et nous nous assurons que tous ceux qui ont expérimenté le vol habité puissent nous rejoindre.
Futura : Lors de votre troisième vol STS-92 en 2000, vous avez volé avec Pamela Melroy, aujourd’hui directrice adjointe de la Nasa, dont le directeur Bill Nelson a lui aussi volé dans l’espace. Est-ce important d’avoir des astronautes à la tête de la Nasa ?
Bill McArthur : Un astronaute à la tête de la Nasa est bien, mais pas forcément nécessaire, c’est déjà arrivé plusieurs fois d’avoir des ingénieurs. C’est important d’avoir des astronautes dans des domaines où ils peuvent peser sur les décisions importantes, car nous avons un point de vue légèrement différent. C’est important pour les questions de sécurité des astronautes, qui peuvent être entre les mains de gens très brillants, mais qui n’ont pas volé. C’est important qu’on soit là pour aider à jauger la sécurité.
Futura : Que faites-vous aujourd’hui ?
Bill McArthur : Maintenant que je me suis retiré du corps des astronautes de la Nasa, je fais beaucoup d’interventions publiques et un peu de conseil auprès de compagnies de l’industrie aérospatiale dans des domaines où j’ai de l’expérience.
Sinon… Je m’occupe de mes petits-enfants et je monte sur mon vélo aussi souvent que possible !