Le parti historique de Nouvelle-Calédonie a connu des turbulences en interne et le départ de personnalités. Élu en avril, son président, Alcide Ponga, insiste sur l’autonomie du mouvement, tout en travaillant étroitement avec les partis non-indépendantistes.
DNC : Vous êtes président du Rassemblement depuis cinq mois. Comment se porte le parti ?
Alcide Ponga : Le parti se porte bien. Nous avons eu un souci lors de la passation et de ma présidence par intérim, puisque je ne m’attendais pas du tout à la démission de mon prédécesseur (Thierry Santa), il y a près de deux ans. C’est une lourde responsabilité qui m’a été confiée.
Le Rassemblement est un mouvement historique, comme l’Union calédonienne, et nous avons passé cette période difficile. Nous nous sommes remis sur les rails. Nous jouons notre rôle dans les institutions. Nous travaillons de façon très collaborative et rapprochée avec les autres structures non-indépendantistes pour essayer de défendre notre vision. Le mouvement a pris le temps de se restructurer. Aux élections législatives, je n’ai pas été élu député, certes, mais le résultat du Rassemblement et de ses alliés, autrement dit de l’unité, n’a jamais été vu auparavant dans la deuxième circonscription.
Je ne range pas Calédonie
ensemble dans les non-indépendantistes.
« Travailler avec les non-indépendantistes », dont Calédonie ensemble ?
Je ne range pas Calédonie ensemble dans les non-indépendantistes. Le parti est toujours à la limite de l’impossible. A-t-il des positions davantage nationalistes ? Je ne lui reproche pas, c’est son choix. Aujourd’hui, il faut des positions claires. Je travaillerais plus facilement avec Générations NC, les Républicains calédoniens, le MPC…, des formations qui se sont clairement positionnées en faveur d’une Nouvelle- Calédonie française, qu’avec Calédonie ensemble, parce que je ne sais pas où ce parti habite.
Vous avez parlé d’une « restructuration » du Rassemblement, laquelle ?
Le départ de Thierry Santa de la présidence a provoqué une désorganisation interne. Il fallait donc réorganiser le mouvement. Nous avons procédé à l’élection du président, nous sommes en train d’installer le nouveau bureau. Un bureau qui travaillera pour défendre les lignes politiques du parti, et non pas celles du président seul.
Des personnalités de premier plan comme Thierry Santa et Georges Naturel ne se reconnaissent plus dans la ligne du mouvement. Cette ligne a-t-elle changé ces dernières années ?
Ils ne sont plus adhérents du parti. C’est leur choix. La question est : ces personnalités n’ont-elles pas changé ? Car la ligne du parti est restée la même.
Comment analysez-vous leur départ ?
Thierry Santa a décidé de sortir à la surprise générale à l’époque. Il faut lui poser la question. Ensuite, Georges Naturel a été élu aux sénatoriales en septembre 2023, alors que la majorité des membres du parti avait porté la candidature de Pierre Frogier.
La crainte que le Rassemblement soit absorbé par Les Loyalistes est-elle fondée ?
C’est du commérage. Il y a mille adhérents avec moi. Quel parti en a autant, à part l’Union calédonienne ? Que je travaille de façon très rapprochée avec Sonia Backès ou Nicolas Metzdorf, c’est normal, on défend tous une Nouvelle- Calédonie française, mais il y a des petites nuances.
L’autonomisation des provinces, concept défendu par Sonia Backès, a pourtant choqué d’anciens membres du Rassemblement. N’est-il pas contraire à l’esprit originel du Rassemblement ?
Tout ce qui se passe depuis le 13 mai donne raison à ce que Pierre Frogier avait mis sur la table, c’est-à-dire la “différenciation provinciale”. À aucun moment, il n’a parlé de partitionner la Nouvelle-Calédonie. Il a dit qu’il fallait mettre en place un mode de gouvernance qui réponde aux résultats des trois référendums. La province Sud n’est pas comme la province des Îles qui n’est pas comme la province Nord. Trouvons un mode de gouvernance qui respecte les aspirations de chaque habitant de chaque province, sans pour autant diviser la Calédonie.
Sonia Backès a eu des mots très forts, comme « se séparer pour mieux vivre »…
Ses mots lui appartiennent. Je suis du Rassemblement et je défends une vision qui est celle du Rassemblement. Nous arrivons à nous rejoindre sur 80 % des points, mais il peut exister des divergences de position.
Regardez toutes les manifestations
avant le 13 mai : m’avez-vous vu sur place,
en tant que président de parti ?
Lesquelles ?
Regardez toutes les manifestations avant le 13 mai : m’avez-vous vu sur place, en tant que président de parti ? J’ai une autre façon de voir les choses. C’est davantage une question de forme que de fond.
Comment définiriez-vous alors la ligne actuelle du parti ?
Il faut continuer à travailler pour concevoir la meilleure philosophie politique, mais je reste persuadé qu’il faut instaurer un mode de gouvernance qui, d’abord, respecte les aspirations politiques de chaque Calédonien là où il se trouve. Doivent en découler les politiques publiques au niveau social, économique… Pierre Frogier a indiqué qu’il fallait revenir à l’esprit des accords de Matignon de 1988. Et c’était cela : confier aux zones géographiques les responsabilités. Et il a ajouté que l’accord de Nouméa a inversé cette réflexion.
Êtes-vous satisfait que l’Éveil océanien ait pris la présidence du Congrès ?
Je répondrais autrement : je suis satisfait que Roch Wamytan ne soit plus président du Congrès. Et j’ai travaillé pour.
Pourquoi ?
Que l’Union calédonienne ait des relations avec Bakou, c’est son affaire. La signature à Bakou avec le parlement d’Azerbaïdjan, je n’étais pas au courant alors que je suis élu du Congrès ! À un moment, il faut arrêter. Je dis stop.
La cassure au FLNKS et la progression de la CCAT en son sein vous inquiètent-elles ?
Je n’ai pas à commenter le « qui doit être ou non au sein du FLNKS ». Ce que je vois, c’est qu’à chaque réunion ou congrès, il manque des composantes. Il faut que les partis du FLNKS arrivent à se retrouver et à clarifier leurs positions.
Que pensez-vous de la nomination de Christian Tein à la tête du FLNKS ?
Cette nomination a été approuvée par une partie du FLNKS, pas par tous. Je ne sais pas ce que ça vaut. Dans ces conditions, les acteurs politiques peuvent-ils se réunir pour définir un accord global ? C’est compliqué, pour ne pas dire impossible. Depuis le 13 mai, j’essaie de temps en temps d’appeler des indépendantistes… Mais c’est compliqué de réunir tout le monde, surtout pour l’État, qui doit organiser les discussions.
Qu’en est-il de cette réunion annoncée par le président de la République pour fin septembre ou début octobre ?
J’avais indiqué à Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, lors de son passage à Nouméa, et à la présidente de la province Sud, Sonia Backès, avant son départ à Paris, qu’il ne servait à rien de faire une réunion tant que la situation de nos partenaires ne s’est pas clarifiée. Sinon, nous allons nous retrouver comme en 2021 avec un blocage des positions.
Sauf que l’échelle de temps n’est pas la même entre une éventuelle recomposition du FLNKS et l’urgence d’un accord institutionnel…
Oui. L’État doit avoir, à un moment donné, un positionnement clair des indépendantistes. C’est-à-dire : soit le FLNKS n’est composé que de ceux qui ont pris les dernières décisions, soit le FLNKS arrive à retrouver une unité. En bref, quel format ? Une fois que la situation sera claire, nous pourrons avancer.
Le parti se prépare tout le temps aux élections.
Le Premier ministre Michel Barnier, figure LR, donc la plus proche du Rassemblement, a-t-il les qualités nécessaires pour réunir les différentes sensibilités politiques calédoniennes ?
Ce qui compte aujourd’hui, c’est l’intérêt de la France. Autrement dit, jusqu’à quand le prochain gouvernement va-t-il tenir ? Je ne connais pas personnellement Michel Barnier. Il a beaucoup travaillé avec mon oncle Maurice Ponga au Parlement européen, qui l’a décrit comme quelqu’un de posé. C’est sa capacité de résistance au plus haut niveau de l’État qui va compter.
Le Rassemblement se prépare-t-il aux élections provinciales ? Pour quelle échéance et sous quelle forme ?
Le parti se prépare tout le temps aux élections. Mais il ne faut pas se précipiter non plus, car de l’eau va encore couler sous les ponts.
Des provinciales en 2025 ?
Oui, en 2025. Mais il faut éclaircir beaucoup de paramètres avant d’y aller. Comme celui du corps électoral concerné.
Et celui de l’unité des non-indépendantistes ?
Oui. C’est ce que je veux essayer de faire avec mes amis de toute la Nouvelle-Calédonie : construire un bloc qui aille jusqu’au bout. Je travaille avec des gens de confiance.
N’y a-t-il pas un risque de voir apparaître, en effet miroir, une radicalité au sein des deux sensibilités politiques ?
Je connais beaucoup d’indépendantistes qui ne sont pas radicaux. Les radicaux, il faut d’abord qu’ils gagnent les élections et qu’ils prennent des postes à responsabilité ! Parce que la radicalité sur le terrain à faire des barrages, ça ne compte pas. Je ne veux pas une Nouvelle-Calédonie, qu’elle soit indépendante ou non, où tout passe par la violence. Impossible. Idem du côté non-indépendantiste.
Vous êtes un ancien salarié de KNS. Croyez-vous en une chance de reprise de l’usine du Nord ?
Oui. La question est : quand ? Et il y a aura certainement des modifications techniques. Il faudra être souple. Nous avions créé quelque chose d’exceptionnel à Vavouto qui est maintenant cassé : le développement de la culture d’entre- prise et les compétences des salariés. Cette ressource va au-delà de l’aspect politique.
La situation à Kouaoua est préoccupante avec des dégâts sur les installations minières. Quelle est votre analyse ?
L’ambiance est calme. Nous n’avons pas pu tenir le scrutin des européennes, mais tout est rétabli depuis le premier tour des élections législatives, durant lesquelles il n’y avait aucun barrage sur la commune. Les forces de l’ordre sont intervenues, oui, mais nous avons aussi bougé. La NMC a repris son activité, la SLN est en train de reprendre doucement.
Propos recueillis par Yann Mainguet et Chloé Maingourd
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