Le 9 juillet, Ariane 6 passait son épreuve du feu avec son premier lancement vers l’espace. Le décollage et le début de la mission se passent bien avec des indicateurs « nominaux ». Nous étions au centre de l’Agence spatiale européenne à Paris pour vous faire vivre ce moment de l’intérieur. Tout ne s’est pas exactement passé comme prévu, même si l’ESA parle sans détour d’un succès.
Un succès si on garde uniquement la première heure
« Les 18 premières minutes sont suffisantes pour dire que c’est un succès », affirmait alors Stéphane Israël, CEO d’Arianespace. Durant la première heure de la mission, Ariane 6 a rallumé le moteur Vinci de son second étage, une autre étape importante. En fin de soirée toutefois, la trajectoire n’était plus « nominale » (sur l’image ci-dessous : courbe verte altitude théorique, courbe jaune altitude mesurée) et la fin de la mission ne s’était pas déroulée comme prévu.
En cause, un problème avec l’unité auxiliaire de propulsion (Auxiliary Power Unit, APU). Il « a été allumé pour la deuxième fois, puis son fonctionnement a été stoppé pour des raisons encore en cours d’investigation. Cela signifie que le troisième boost du moteur Vinci n’a pas pu avoir lieu », expliquaient le CNES et l’ESA fin juillet.
Les recherches se sont notamment concentrées sur les raisons pour lesquelles le rallumage de l’APU « ne s’est pas produit comme prévu au début de la longue phase de cabrage de la mission inaugurale d’Ariane 6 ».
Une mesure de température hors limite
On connait désormais les causes :
« L’analyse montre qu’une mesure de température a dépassé une limite prédéfinie et que le logiciel de vol a correctement déclenché un arrêt, entrant dans la longue phase de cabrage sans la poussée de l’APU et dégradant ainsi le déroulement de la phase de démonstration ».
Encore un dépassement de limite, une erreur qui arrive malheureusement de temps en temps, parfois difficile d’anticiper, mais dont les conséquences peuvent être désastreuses.
On se souvient par exemple de Schiaparelli qui s’est écrasé comme une crêpe sur Mars : des « informations erronées ont généré une altitude estimée négative ». L’ordinateur de bord a alors estimé qu’il s’était bien posé sur la planète rouge. Spoiler : la sonde était encore à 3,7 km. Il a détaché le parachute, s’est séparé de son carénage et a actionné très brièvement les rétro-fusées, au calme. La suite : une chute et un crash à plusieurs centaines de km/h.
Une solution en cours de test
L’Agence spatiale européenne a trouvé une parade pour son APU : « Sur la base du comportement observé de l’APU en vol, la séquence de préparation de l’allumage (séquence de refroidissement de l’APU) sera modifiée dans le logiciel de vol afin d’améliorer les conditions d’allumage et de résoudre l’anomalie identifiée. Le logiciel mis à jour est déjà en cours de test pour être appliqué lors des prochains vols ».
Le groupe de travail sur le lanceur Ariane 6 (Direction générale de l’ESA, CNES, ArianeGroup et Arianespace) n’en démord pas : « L’analyse des données de vol confirme l’excellent comportement et les performances du lanceur avec un nombre très limité d’écarts par rapport aux prévisions ». Le communiqué ne parle que « quelques comportements inattendus ».
Aucun obstacle pour Ariane 6 (ni pour Vega-C)
La bonne nouvelle, c’est que, toujours selon le groupe, « aucun obstacle n’existe pour la deuxième mission Ariane 6 » qui doit avoir lieu avant la fin de l’année. C’est important pour la France et l’Europe, car il est question de l’accès souverain à l’espace.
Vega a réussi sa dernière mission en septembre, et laisse maintenant sa place à Vega-C pour un vol prévu en novembre. Ce sera le retour en vol du lanceur léger amélioré, après un échec lors du premier lancement commercial en novembre 2022. L’attente a été longue, à cause d’un problème (désormais réglé) de tuyère sur le moteur Zefiro 40 du second étage.