« On ne prend plus les patients avec l’aide médicale, tout simplement car on n’est pas sûrs d’être payés« . Depuis une semaine, le cabinet de kinésithérapie du Medcity n’accepte plus les personnes qui bénéficient de l’aide médicale. Cette dernière a en effet été suspendue le 15 juillet dernier par la province Sud.
Concrètement, les professionnels de santé qui acceptent les bénéficiaires de l’aide ne savent pas quand ils seront remboursés par la province, ni même s’ils le seront un jour. « On est tiraillés entre prendre des gens en soin car c’est notre rôle de médecin et ne pas savoir si on sera réglés. On a beau vouloir aider la population, on ne peut pas travailler gratuitement« , déplore le kinésithérapeute.
En plus de la suspension de l’aide médicale, le ticket modérateur est passé de 10 à 20 %. En termes plus concrets, pour une consultation à 4 000 francs, il faut aujourd’hui payer 800 francs, contre 400 francs auparavant. « Avant on ne demandait pas de payer les 10 % du ticket modérateur, mais là 20 % ça fait trop pour nous« , poursuit le kiné.
« La fréquentation a déjà chuté cette semaine »
Chez le docteur Jacques Gourand, pas besoin de rendez-vous, la patientèle est du tout-venant. Ce médecin généraliste fonctionne « à l’ancienne » : « si on a besoin d’aller voir le docteur, on y va tout de suite« . Lui aussi a décidé de ne plus recevoir les bénéficiaires de l’aide médicale : « On ne sait pas de quoi demain sera fait donc on ne peut pas se permettre de travailler sans être payé. La fréquentation a déjà chuté cette semaine et je pense que c’est lié à ça« .
Ce cabinet refuse les aides médicales des trois provinces. Photo E.H.
D’après Jacques Gourand, la suppression de l’aide médicale pose un véritable problème de santé publique : « ça risque d’être très perturbant, avec des retards de diagnostics, des situations confuses, des reports sur la médecine traditionnelle. Certains n’ont tout simplement plus accès à la santé« .
« Il y a des gens qui ne pourront plus avoir de lunettes »
Direction l’opticien où là aussi l’aide médicale de la province Sud n’est pas acceptée. « En général, on a beaucoup de clients qui disposent de l’aide. C’est encore trop tôt pour dire si ça va changer les choses, car je pense que tout le monde n’est pas au courant, mais ça risque de ralentir les dépenses« . L’aide venant des provinces Nord et Îles est encore acceptée dans le magasin, mais risque de ne pas l’être pour longtemps : « le problème c’est qu’on n’a pas d’informations de leur part, c’est un peu flou. Dans le doute, on pourrait la supprimer aussi vu les délais pour être remboursés« .
Là aussi, le problème d’accès à la santé est pointé du doigt : « Il y a certainement des gens qui ne pourront plus avoir de lunettes. Même avec l’aide, certains avaient déjà du mal à régler le reste à charge de 10 %, donc même si elle revient, 20 % c’est énorme pour eux« . Pour ces professionnels, cette situation va toutefois permettre aux gens de se rendre compte du fonctionnement de l’aide : « Trop de gens pensent que les lunettes sont gratuites, il faut leur faire comprendre que ce n’est pas le cas, qu’il y a tout un système économique derrière« .
L’aide médicale s’adresse aux personnes qui ont un faible revenu. Ce dispositif est une prise en charge par le professionnel de santé de tous les actes médicaux qui lui sont ensuite remboursés par la province. Depuis le 15 juillet, cette aide a été suspendue par la Maison Bleue, en raison des problèmes de trésorerie que connaît l’institution en raison des émeutes. Au total, ce sont 26 000 personnes qui bénéficient du dispositif sur tout le territoire calédonien et qui sont concernées par cette suspension.
Les professionnels de santé peuvent toutefois décider de continuer à appliquer l’aide médicale, en attendant de se faire rembourser un jour si le budget de la province lui permet de reprendre l’aide. Pour les médecins qui l’appliquent toujours, les élus de la province ont voté une autre mesure : l’augmentation du ticket modérateur, qui est passé de 10 à 20 %. Ce taux indique le montant minimum à payer pour les bénéficiaires de l’aide médicale.
Les Nouvelles Calédoniennes