De crise en crise
Comme bon nombre d’entreprises calédoniennes, Aircalin est frappée de plein fouet par les conséquences des émeutes. À peine était-elle parvenue à se relever d’une période noire marquée par la pandémie de Covid-19 que la compagnie est secouée par une nouvelle crise « aux impacts très forts » qui s’annonce également durable.
Alors que ses marchés extérieurs, directement liés au tourisme, ne sont pas près de redécoller et que sa clientèle calédonienne est « durement touchée par la situation économique, les destructions d’entreprises et pertes d’emplois », Aircalin estime que son chiffre d’affaires tout comme son activité seront divisés par deux cette année. Autrement dit, près de 225 000 passagers sont attendus en 2024, contre 455 000 initialement prévus.
Pour parvenir à passer cette « situation difficile », son directeur général, Georges Selefen, a annoncé, ce mercredi 10 juillet, à la presse la mise en place de trois grandes séries de mesures pour « adapter son modèle à la nouvelle réalité du marché », « préserver les emplois et maintenir les missions essentielles » de la compagnie.
Suspension de lignes et redimensionnement du réseau
Tout d’abord, l’ensemble du réseau et du programme des vols de la compagnie est revu pour « les prochains mois » avec l’objectif de « se recentrer sur les destinations qui ont un potentiel important et en rationalisant nos coûts », indique Georges Selefen.
- Dans ce contexte, la compagnie suspend, « provisoirement » du moins, deux liaisons : vers Melbourne avec effet immédiat (et ce, alors que cette ligne n’avait rouvert qu’en décembre dernier) et vers Tokyo, à compter du 1er septembre prochain.
- Par ailleurs, le programme de vols sera allégé à une rotation par semaine pour les destinations de région Pacifique (à l’exception de Sydney et de Wallis où deux liaisons hebdomadaires sont maintenues). Une fréquence qui devrait néanmoins être revue à la hausse en période de vacances.
- Du côté de l’Asie, quatre à cinq rotations par semaine sont conservées (contre sept à huit avant la crise) essentiellement recentrées sur Singapour.
« Les passagers concernés par les annulations de vols liées à ce redimensionnement se verront notifier une nouvelle proposition de date ou d’itinéraire, à valider auprès de leur point de vente initial », détaille la compagnie, qui précise que cette baisse du nombre de rotations est « provisoire en attendant un retour à la normale » du trafic.
Suspension des investissements et chômage partiel
Alors que le chiffre d’affaires prévu à 2 milliards de francs par mois en moyenne pour 2024 avoisine aujourd’hui les 800 à 900 millions de francs mensuels depuis le début de la crise, la compagnie annonce d’ores et déjà que ses résultats seront déficitaires cette année. C’est pourquoi, en vue de maintenir les emplois, Aircalin est contrainte de prendre certaines mesures d’économie, à commencer par la suspension de l’ensemble de ses investissements prévus en 2024.
« Nous avons également pu reporter des échéances, telles que le remboursement des prochaines traites du PGE contracté lors de la crise sanitaire, différé sur la période 2025-2028, ou encore celles liées au renouvellement de la flotte réalisé entre 2019 et fin 2023 », détaille le directeur général, qui annonce également le gel de tous les recrutements.
Par ailleurs, depuis le 1er juin, entre 35 et 40 % des 500 salariés que compte l’entreprise ont été placés au chômage partiel. Une mesure, là encore provisoire espère la direction, qui concerne essentiellement le personnel navigant et d’exploitation. En d’autres termes, Aircalin n’envisage pour l’heure aucun plan social comme elle y avait été contrainte lors de la pandémie de Covid-19, « l’ensemble de ces mesures lui permettant de tenir jusqu’à décembre », précise Georges Selefen, qui ne manque pour autant pas d’ambition.
Entre 35% et 40% des salariés sont au chômage partiel depuis le 1er juin, notamment le personnel navigant. Photo Anthony Tejero
Vers une ligne directe Nouméa-Paris via Bangkok
C’est sans doute la grande annonce de cette conférence de presse. La compagnie a l’ambition d’ouvrir d’ici à novembre ou décembre prochain une nouvelle liaison qu’elle opérerait directement entre Nouméa et Paris, via une escale à Bangkok, « sous réserve des autorisations des autorités thaïlandaises et françaises ». Une piste de plus en plus sérieuse qui fait partie des stratégies pour préserver la compagnie, en lui apportant suffisamment de trésorerie, sur le moyen et le long termes.
« Cette ligne permettrait de compenser la baisse du trafic régional (lié à la chute du tourisme) puisque nous nous attendons à avoir une prédominance des longs courriers dans notre activité à venir », explique Georges Selefen.
Georges Selefen a pris ses fonctions de directeur général de la compagnie Aircalin, il y a un an, en juin 2023. Photo Anthony Tejero
Un coup d’accélérateur semble donc être mis sur ce projet. Pour rappel, la compagnie avait dévoilé à la presse, fin décembre, son ambition d’ouvrir cette nouvelle ligne directe vers Paris à partir de 2026 seulement, en faisant l’acquisition d’un nouveau modèle (soit un Boeing 787, soit un A350) au lieu des A330 neo actuels. Un objectif qui n’est pas encore balayé par le directeur général malgré la situation financière morose de la compagnie. « La question devra se poser d’ici quelques mois pour savoir si on maintient cette ambition et donc cet investissement ou pas. »
D’ici-là, Aircalin entend proposer à la location l’un de ses deux A 320 neo à d’autres compagnies, son programme de vols régionaux étant revu à la baisse. Une autre manière de renflouer les comptes de la société.
À quoi faut-il s’attendre en termes de tarifs ?
Afin de rester « compétitive », la compagnie l’assure : aucune augmentation des prix des billets d’avion n’est prévue dans les mois à venir.
La surveillance de nuit va être renforcée afin de sécuriser les locaux, notamment l’agence de vente.
L’agence de vente Aircalin, située au centre-ville de Nouméa, a fait l’objet d’une intrusion dans la soirée du mardi 9 juillet, aux alentours de 20h30. Un individu a brisé une vitre afin de tenter de s’introduire dans les locaux. Il a été rapidement appréhendé par la police, explique la compagnie, dans un communiqué.
L’entrée de l’agence a été sécurisée toute la nuit par la présence d’un vigile. « Il ne semble pas qu’il y ait eu de tentative d’incendie », juge bon de préciser Aircalin.
Les dégâts étant limités, la compagnie est en mesure de maintenir l’ouverture de l’agence qui, depuis sa réouverture le 4 juillet, accueille le public du lundi au vendredi, de 8 heures à midi.
Les Nouvelles Calédoniennes