La Nouvelle-Calédonie compte environ 110 orthophonistes, selon le syndicat qui les représente. Cette spécialité est ô combien essentielle pour la communication et la libération de la parole. Les orthophonistes viennent en aide aux enfants, aux adolescents comme aux personnes âgées. Durant les évènements des dernières semaines, environ une quinzaine de cabinets a été pillée ou incendiée, compromettant ainsi l’offre de soins.
A la mi-mai, dès la première semaine des émeutes, Amandine Lelong a constaté, impuissante, la destruction de son local, situé au centre médico-social de Rivière-Salée, à Nouméa. La jeune orthophoniste de 31 ans y était installée depuis bientôt trois ans. Son cabinet était quasi neuf, tout comme le bâtiment, sorti de terre en 2021. “J’ai été découragée, forcément très très atteinte, que ce soit pour les collègues, pour moi ou pour les patients du CMS. On pratiquait le tiers-payant et il permettait à la population de Rivière Salée de se faire soigner rapidement” confie Amandine.
Son témoignage :
Grâce à la solidarité d’une collègue, elle a pu reprendre récemment un semblant d’activité dans un autre cabinet mais a perdu plus de la moitié de ses patients. Quelques semaines après la destruction de son cabinet, elle a continué ses consultations dans un Ephad de Dumbéa mais la route n’étant pas complètement sécurisée à ce moment-là, c’est son conjoint qui l’emmenait trois fois par semaine.
Sur le territoire, l’orthophonie est une spécialité très demandée, peu importe l’âge. Que l’on soit bébé, enfant ou une personne âgée, les consultations sont essentielles pour beaucoup. “Surtout les premiers mois après un AVC; ils sont vraiment très importants. C’est là où la plasticité cérébrale est la plus optimale donc il y a des chances de récupération plus importantes” explique Amandine.
Avec la destruction de nombreux cabinets médicaux depuis le 13 mai, les patients calédoniens ont aujourd’hui des difficultés pour consulter. Une rupture de soins qui peut être grave, chez les enfants notamment. En cette période très anxiogène, les orthophonistes jouent un rôle clé. “On a des enfants et des adultes qui sont suivis plusieurs fois par semaine. Ils se retrouvent maintenant sans prise en charge. Ils n’ont pas d’école, et sur les progrès qui avaient pu être faits, on va avoir des régressions voire de nouvelles difficultés” explique Marine Channaux, la président du syndicat des orthophonistes.
Les enfants ont entendu des choses, ils ont vu des choses et ils ont besoin de l’extérioriser. Ceux qui ont repris l’école en ont parlé avec les enseignants mais pour ceux qui n’ont pas encore repris, les orthophonistes sont une autre oreille que celle de leurs parents.
Marine Channaux, présidente du syndicat des orthophonistes
Dans certains quartiers, comme au Vallon-Dore où exerce Marine Channaux, le temps d’attente pour un rendez-vous chez l’orthophoniste peut aller jusqu’à un an. Après avoir fait le tour de ses confrères, la présidente du syndicat annonce que la Calédonie perdra prochainement plus de 10 % de ses orthophonistes. Des départs qui étaient prévus pour certains… mais pour d’autres, ils sont la conséquence des évènements des dernières semaines.
Outre-mer la 1ère – nouvelle calédonie