Après avoir affronté le dur de la crise, la clinique Kuindo-Magnin traverse une « phase de transition ».
La période a été « compliquée », souligne Céline Monnier, directrice des soins à la clinique Kuindo-Magnin, à Nouville. Il a fallu gérer le relais des équipes, à l’aide notamment des navettes maritimes, leur trouver un lieu pour dormir sur place et, surtout, assurer « la prise en charge et la continuité des soins ». La médecine et l’hospitalisation ont été maintenues, les chimiothérapies ont repris au bout de cinq jours, l’établissement a hébergé des patients dialysés et des polyhandicapés du foyer Reznik. « Il y a de la fatigue, la charge de travail a augmenté, un état de stress permanent, c’est dur de se projeter sur le long terme, et il y a beaucoup d’incertitudes. On est dans l’attente. »
Une chose est sûre, estime Céline Monnier, ces événements ont montré « l’utilité de la clinique », notamment en raison « des problèmes d’accès au CHT, de la présence du service d’oncologie et des liens avec l’U2NC [centre de prise en charge des insuffisants rénaux] ».
« COMMENT GARDER LES SOIGNANTS »
Après neuf semaines de conflits, la structure se trouve dans « une phase de transition ». La réorganisation y est permanente, explique Céline Monnier, en fonction de divers aléas, comme des questions de matériel. « En urologie, par exemple, on manque d’endoscopes. Alors le personnel reste plus tard le soir pour les stériliser afin qu’ils puissent être réutilisés dès le lendemain. » Ou de l’activité de certains pôles, à l’image de la chirurgie, qui n’a toujours pas retrouvé son fonctionnement habituel. « Certains patients reportent leur intervention, notamment les gens de Brousse. » Et des départs.
S’il n’y en a aucun, pour l’instant, chez les chirurgiens, et peu chez les aides-soignants, pour beaucoup calédoniens, les infirmières et les sages-femmes sont davantage concernées. « Des personnes ont demandé à ne pas renouveler leur contrat et il y a des démissions, ce qui représente 37 départs », détaille la directrice des soins. Cet objectif va largement occuper le secteur dans les mois à venir : essayer de ne pas perdre de compétences médicales et trouver « comment garder les soignants, donner envie de rester ».
FIN DE LA PHASE DE SAUVEGARDE
Mardi 9 juillet, le tribunal mixte de commerce a clos la procédure de sauvegarde de la clinique Kuindo-Magnin, ouverte il y a 18 mois. Dans un communiqué interne, Serge Magot, directeur général, indique qu’il s’agit maintenant d’aller « négocier du temps avec nos créanciers » et chercher des ressources. La direction souhaite « convaincre les autorités de la nécessité d’adopter rapidement les revalorisations tarifaires indispensables à l’équilibre de certaines activités ».
Pour la suite, la clinique compte notamment s’appuyer sur son service d’oncologie « d’excellence » et celui de soins de suite et de réadaptation (SSR) « avec un potentiel extraordinaire ». L’établissement emploie 500 salariés.
APPRÉHENSIONS AU CHT
Emmanuel Soria, infirmier en réanimation et élu du personnel UT CFE-CGC, salue « le courage et l’abnégation des collègues, qui continuent à exercer dans des conditions inimaginables ». Des soignants dorment encore sur place, d’autres ne savent pas s’ils vont pouvoir venir le matin ou rentrer chez eux le soir. « Ils ont tous un sac, un duvet et un matelas gonflable dans leur casier en cas de besoin. »
Emmanuel Soria parle d’une usure physique et psychologique, d’agressions verbales et physiques sur le trajet qui mène au Médipôle. « Les soignants sont désabusés, parfois à bout. Il règne un sentiment d’injustice et de frustration. » Des navettes ont été mises en place afin d’éviter les trajets personnels, les horaires modifiés pour permettre de partir plus tôt. « Si la relève n’arrive pas, les équipes de nuit font des heures à rallonge. » Le représentant syndical juge la situation « alarmante ».
La question des départs occupe les esprits. « C’est le sujet des mois à venir, considère François Jourdel, chirurgien orthopédiste à Gaston-Bourret. Cela va être assez dramatique. » L’état de son service le soucie. « On tourne à quatre. Deux sont en congé, ils réfléchissent à déménager. Si on se retrouve à deux, cela ne va pas être tenable longtemps. Je cherche des remplaçants, un copain viendrait pour six mois – un an, mais c’est le seul. »
DISPARITION DE SPÉCIALITÉS ?
Cette crainte de voir disparaître des spécialités qui n’existent qu’au CHT – comme la coronarographie et la réanimation néonatale – est partagée par Emmanuel Soria, qui constate des départs de tout type de profil. « Des jeunes, des Calédoniens, des gens expérimentés qui sont là depuis longtemps. On va en perdre des dizaines. » Et c’est à des agents « épuisés » qu’on « va demander de suppléer et de former les nouveaux s’il y en a, ce qui peut avoir un effet boule de neige sur les arrêts et les départs ».
Une baisse des effectifs pourrait entraîner des retards de prise en charge. Et questionne un possible redimensionnement de l’offre de soins. La direction doit d’ailleurs présenter des chiffres et peut-être une réorganisation au conseil d’administration dans les jours à venir.
Le CHT fait face aux mêmes enjeux que la clinique : « avoir le moins de départs possibles. Il faut être dans la prévention et la protection de ces personnels hospitaliers avant de se retrouver à fermer des lits », considère Emmanuel Soria, qui note qu’une « population qui s’appauvrit ne connaît pas une amélioration de son état de santé ». Avec l’espoir de stopper le début d’hémorragie.
DNC.NC