La crise sur le marché international du nickel en raison de la surproduction indonésienne a plongé et continue de plonger les sites métallurgiques de Nouvelle-Calédonie dans une profonde dépression. Les exactions sur fond d’opposition au dégel du corps électoral provincial les placent désormais au bord de l’abîme.
Perturbée par des blocages routiers à proximité, la société Koniambo Nickel, dont l’ultimatum pour la recherche d’un repreneur approche, n’a pas subi de dégât sur son site de Vavouto. Tout comme Prony Resources New Caledonia. Le consortium a été néanmoins pénalisé par une rupture d’électricité et d’eau. Au-delà de la dégradation de la station de pompage de Yaté, la ligne électrique aérienne de 150 kV, pour 150 000 volts, qui évacue l’énergie de la centrale de Prony vers Ducos, a été vandalisée du côté de Saint-Louis. Les techniciens ont mis en place des alternatives. Le coût de la réparation est estimé à 3 millions de francs.
Seule entité du territoire à produire du métal aujourd’hui, certes a minima pour le maintien des fours, la SLN enregistre une longue liste de destructions. L’enseigne centenaire est implantée sur toute la Grande Terre et incarne, aux yeux d’indépendantistes, les intérêts franco-français.
RECORD SUR LA SERPENTINE
À Népoui, le convoyeur de bord de mer a été en partie brûlé. À Thio, les bureaux de la cité Coste ont été saccagés, tout d’abord au rez-de-chaussée, puis à l’étage. Des véhicules et engins ont été incendiés, à l’instar de deux maisons de cadre. Ou encore, à Kouaoua, douze départs de feu ont été recensés en deux mois sur la serpentine, l’installation emblématique pour l’acheminement du minerai, « un record » selon une source.
L’ampleur et, par effet ricochet, le coût de l’ensemble des dégâts ne sont pas évalués à ce stade car, si des points stratégiques sont surveillés, d’autres endroits ne sont pas sûrs et accessibles. Toutefois, le montant de la facture pourrait grimper à plusieurs milliards de francs.
Toutes les mines de la Société Le Nickel sont à l’arrêt, sauf Tiébaghi, près de Koumac, qui fonctionne à un régime modeste pour le chargement d’un minéralier par semaine à destination de Doniambo. En raison des blocages et exactions, l’usine pyrométallurgique « tourne » de fait à un niveau bien bas, la puissance des fours ayant été ramenée à 3 fois 30 mégawatts, soit 90, contre les 180 nécessaires en temps habituel. La teneur en nickel est aussi inférieure à la normale.
La sérieuse baisse d’activité a un impact sur les effectifs. Pas moins de 56 % des salariés de la SLN sont placés en chômage partiel : 96 % sur les mines, 61 % sur les fonctions support (gestion, logistique, ressources humaines, …), mais aucun à l’usine. Soit, au total, 1 214 employés sur les 2 169. De mémoire d’anciens de la maison, une telle situation n’est pas arrivée depuis 1987, lors des Événements.
PORO FOUDROYÉ
« L’outil de formation est aujourd’hui dans l’incapacité de reprendre une activité », constate Amar Chalal, le directeur, qui estime à au moins un an la durée de remise en état du site. Le Centre de formation aux techniques de la mine et des carrières, ou CFTMC, situé à Poro à Houaïlou, a subi un déchaînement de violences ces dernières semaines.
Un bâtiment dédié à la direction, aux réunions, aux archives et à l’accueil incendié, deux chargeuses brûlées tout comme l’infirmerie et le simulateur de conduite à 120 millions de francs, les vitres de nombreux engins cassées, six salles de cours saccagées, etc. Les dommages s’élèveraient à plusieurs centaines de millions de francs. Or, le budget de la structure est alimenté par la vente de formations.
Et une question se pose, au vu de la situation. « La mine restera- t-elle une activité pourvoyeuse d’emplois sur la côte Est ? », se demande Amar Chalal, qui refuse de baisser les bras et pense à demain. « La Nouvelle- Calédonie doit, à mon sens, inclure la formation professionnelle dans le plan Marshall » axé sur la reconstruction. Depuis sa création en 1989, le CFTMC a accueilli 3 000 stagiaires.
LA NMC TOUCHÉE
Coentreprise créée entre l’industriel coréen Posco et la Calédonienne SMSP, la NMC, société chargée d’approvisionner l’usine de Gwangyang en minerai, n’a pas été épargnée. « Nous avons 250 millions de francs de dégâts répartis entre Poya et Kouaoua », calcule Didier Ventura, son président. « À Poya, l’incendie du convoyeur de bord de mer coûte cher et nous pénalise, mais ne nous empêcherait pas de fonctionner. À Kouaoua, c’est beaucoup plus problématique : il s’agit de bureaux, de prises de poste, de chambres de la base vie abîmées et même brûlées pour certaines, ainsi que d’engins détériorés. » Le centre de Kouaoua rencontrait déjà des difficultés économiques, sur lesquelles sont venues se rajouter des destructions. Ce qui imposera de définir une véritable stratégie de reprise, selon la NMC.
Yann Mainguet
DNC.NC