Les soignants et les paramédicaux ont été particulièrement affectés par la crise, qui entrave l’exercice de leur profession de multiples façons.
Médecins, infirmiers, dentistes, pharmaciens, kinésithérapeutes, orthophonistes… Beaucoup ont subi et subissent encore les exactions. Les barrages ont rendu difficile, voire impossible, l’accès aux cabinets et structures hospitalières, obligeant la clinique Kuindo-Magnin et le Médipôle à mettre en place des navettes maritimes. Les violences ont provoqué de nombreuses destructions matérielles : 37 officines, dont des laboratoires de biologie et des centres de dialyse, ont été dégradées ou incendiées, selon un rapport du gouvernement (les chiffres datent du 22 juin).
Les événements se sont avérés particulièrement traumatisants. François Delboy, infirmier à domicile sur la commune de Païta, et ses collègues n’ont jamais cessé de travailler. « On ne pouvait pas laisser tomber les malades. Le plus grand hôpital de la Nouvelle-Calédonie, c’est le domicile, et c’est géré par les infirmiers. » Ce dévouement n’a pas toujours reçu le retour escompté. « Je me suis fait tirer deux fois au-dessus de ma voiture. »
Cette peur, beaucoup l’ont vécue : insultes, agressions, caillassages, coups sur la voiture… « Pour les médecins, cela a été un choc énorme, relève Bruno Calandreau, président de l’ordre, qui en recense 830 en exercice, dont un quart au CHT et environ 300 en libéral. Ils n’imaginaient pas pouvoir être agressés. Les victimes d’exactions sont traumatisées, surtout ceux installés depuis longtemps dans un quartier. »
Sans cabinet, comment s’occuper des malades ? Certains ont trouvé une alternative, faire « des visites à vélo pour voir leurs patients en longue maladie ». L’esprit de solidarité, l’entraide ont joué dans chaque corps de métier. Une entreprise a fourni 15 kits de réinstallation à des médecins, et l’ordre national a apporté un soutien financier pour se rééquiper.
EFFETS EN CASCADE
Ces semaines de violences entraînent des effets en cascade. Les professionnels ont constaté une diminution de leur activité. « 69 % de baisse des consultations entre le 13 mai et le 9 juin », note le rapport du gouvernement. Certains ne souhaitent pas se réinstaller dans les zones les plus touchées. D’autres veulent tout simplement quitter le territoire. Depuis mai, près de 60 médecins ont demandé leur radiation, contre seulement 15 inscriptions. D’autres vagues de départs pourraient suivre. Pas de quoi améliorer la situation de spécialités comme l’ophtalmologie, la gastroentérologie et la rhumatologie « déjà très juste au niveau des effectifs », précise Bruno Calandreau.
Puis, la Cafat inquiète. La caisse se retrouve privée d’une partie de ses ressources, les cotisations. Or, c’est bien elle qui assure le fonctionnement du système de santé. L’aide médicale serait également en sursis. « On nous dit qu’à la fin du mois il n’y a plus d’argent », indique Philippe Giraud, médecin à Katiramona.
En face, les patients consultent moins. Par absence de transport en commun, en raison du blocage des axes routiers, par appréhension ou baisse de leurs revenus. Ce qui peut entraîner la complication de pathologies. Dans ces conditions, quel accès aux soins pourra être assuré ? Plus que jamais, désormais contrainte par ces motifs financiers, la Nouvelle-Calédonie doit repenser son modèle de protection sociale afin d’essayer d’éviter, après une crise économique et une crise sociale, une crise sanitaire.
Anne-Claire Pophillat
DNC.NC