Sortant de son silence trois jours après le second tour des élections législatives, le président de la République s’est adressé mercredi aux Français dans une lettre publiée par la presse quotidienne régionale. « Personne ne l’a emporté » dimanche, selon lui. Il faut donc « inventer une nouvelle culture politique » face à la coexistence inédite de trois blocs dans l’hémicycle : le Nouveau Front populaire, le bloc macroniste et le Rassemblement national.
En déplacement à Washington pour un sommet de l’Otan, il appelle ainsi à un rassemblement autour de « quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible ». Mais toutes ces tractations prendront « un peu de temps », une période à l’issue de laquelle Emmanuel Macron « décidera de la nomination du Premier ministre ».
Visions diverses
Cette prise de parole intervient au moment où le camp présidentiel se démultiplie à l’Assemblée nationale pour dégager une majorité. Les macronistes tentent ainsi de convaincre que le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des législatives de dimanche avec 190 à 195 députés, et tout particulièrement La France insoumise, ne sont pas légitimes pour gouverner seuls. Dans un communiqué, les députés Renaissance ont ainsi plaidé pour « des alliances programmatiques » au sein d’une « coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement », sans LFI. Mais dans le détail, plusieurs lignes se chevauchent dans les rangs macronistes sur la stratégie à adopter.
Certains, menés notamment par Gérald Darmanin, lorgnent essentiellement la droite pour trouver des alliés. « Il peut y avoir un Premier ministre de droite, ça ne me gênerait en rien », a ainsi déclaré le ministre de l’Intérieur sur CNews et Europe 1. Il rejoint la posture de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui plaide, lui, pour la signature d’un « accord technique » avec Les Républicains, en vue « d’avancer et de gérer les affaires du pays pendant au moins un an ».
Groupe Renaissance fragilisé ?
Mais une autre frange du camp présidentiel, notamment son aile gauche, voit plus large.
Sacha Houlié, marcheur de la première heure et ex-président de la commission des Lois, a annoncé qu’il ne « siégera pas » au groupe Renaissance, préférant tenter de créer un groupe « qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste ».
Dans la même veine, la prise de position du patron du MoDem François Bayrou risque de ne pas passer inaperçue.
Ce proche allié d’Emmanuel Macron a martelé auprès de l’AFP qu’on « ne peut pas faire un gouvernement d’union nationale avec un seul camp », plaidant pour la désignation d’un Premier ministre capable de « rassembler« , sans s’exclure lui-même de ce scénario.
Les mains tendues peuvent-elles aboutir ? Certains responsables de la droite semblent s’ouvrir à l’idée, d’autres sont plus sceptiques.
« Nous ne participerons pas à des coalitions gouvernementales », a affirmé le président fraîchement élu du groupe LR, rebaptisé « Droite républicaine », Laurent Wauquiez. Mais il n’écarte pas un « pacte législatif » pour la « revalorisation de la France qui travaille ».
A gauche, Jean-Luc Mélenchon a fustigé Emmanuel Macron qui, selon lui, « refuse de reconnaître le résultat des urnes qui a placé le Nouveau Front Populaire en tête » et « prétend donner du temps pour former une autre coalition par magouilles après les élections ».
« Il doit s’incliner », a encore exhorté le leader insoumis, quand la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, a elle aussi estimé que « la logique institutionnelle dicte d’appeler les chefs de parti du NFP » afin qu’ils lui proposent le « nom d’un Premier ministre » – pour l’instant toujours à préciser.
« Cirque indigne »
En interne, le NFP bataille également entre ses deux principales composantes, des Insoumis à peu près stables entre 70 et 80 élus, et un PS revigoré qui espère faire au moins jeu égal pour proposer un chef de gouvernement issu de ses rangs, par exemple son premier secrétaire Olivier Faure. En attendant, les socialistes ont réélu à la tête de leur groupe le député des Landes Boris Vallaud.
Face à ces tractations tous azimuts, Marine Le Pen aussi s’est insurgée contre le « bourbier » consécutif aux législatives anticipées. La lettre aux Français du président ? Un « cirque indigne », a-t-elle commenté. « Emmanuel Macron propose de faire barrage à LFI qu’il a contribué à faire élire il y a trois jours et grâce à qui les députés Renaissance ont été élus, il y a également trois jours ».
Jordan Bardella a pour sa part estimé que le chef de l’État « organise la paralysie du pays en positionnant l’extrême gauche aux portes du pouvoir, après d’indignes arrangements », l’eurodéputé d’extrême droite estimant « irresponsable » que « son message (soit) désormais : débrouillez-vous« .
Les Nouvelles Calédoniennes