Deux mois après les avertissements de Vladimir Poutine contre une “évolution” de la doctrine nucléaire russe, celle-ci se concrétise. Sergei Ryabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, a annoncé dimanche que Moscou s’apprêtait à modifier cette doctrine, établie en 2020 par un décret présidentiel. Comme chaque menace nucléaire brandie par Vladimir Poutine depuis le début de la guerre en Ukraine, la modification de cette doctrine, “un instrument vivant”, disait-il, est une réponse à “l’escalade” des “adversaires occidentaux” de la Russie dans le conflit ukrainien.
A chaque ligne rouge franchie, une menace nucléaire de plus en plus lourde. Depuis le début du conflit en février 2022 et face aux décisions occidentales en faveur de Kiev, comme les aides financières, l’envoi d’artilleries lourdes sur le front puis la dotation de l’armée ukrainienne d’avions de chasses susceptibles de toucher des cibles sur le territoire russe, Vladimir Poutine a sans cesse menacé de recourir à l’arme nucléaire.
Un “instrument vivant” qui évolue déjà
En mai dernier déjà, Moscou a annoncé la tenue d’exercices nucléaires près de l’Ukraine, en réponse à des “déclarations belliqueuses” de certains dirigeants occidentaux liées à un éventuel déploiement de troupes transatlantiques sur le front ukrainien. En réponse au feu vert donné à Kiev par des pays occidentaux, particulièrement les États-Unis, l’Allemagne et la France pour l’usage de leurs missiles sur le territoire russe, le chef du Kremlin a évoqué la possibilité de livrer des pays tiers susceptibles de frapper les intérêts occidentaux.
En juin, lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, le président russe calmait le jeu, affirmant ne pas voir “actuellement” une raison qui pousserait la Russie à recourir à ces armes. “Nous avons une doctrine nucléaire et tout y est écrit : l’utilisation est possible dans des cas exceptionnels, comme une menace pour la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays”, explique-t-il. “Je ne pense pas qu’un tel cas se soit produit. Ce n’est pas nécessaire (…) le besoin n’existe pas non plus, puisque nos capacités d’information, informatiques, nous permettent de tout produire dans sa forme actuelle”, a-t-il ajouté.
Vladimir Poutine a néanmoins averti contre une évolution de la stratégie du Kremlin. “Cette doctrine est un instrument vivant, et nous surveillons attentivement ce qui se passe dans le monde, autour de nous, et n’excluons pas d’apporter quelques modifications”, a-t-il indiqué, peu avant la livraison de trois navires et un sous-marin à propulsion nucléaire à Cuba.
Dimanche, relayé par l’agence de presse TASS, c’est Sergei Ryabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, qui a apporté des nouvelles jugées inquiétantes. Moscou s’apprête déjà à modifier sa doctrine nucléaire en réponse aux “actions occidentales” dans le cadre du conflit ukrainien.
“Faire des corrections” pour contrer la percée ukrainienne ?
S’il n’a pas dévoilé plus de détails à propos de cette “évolution”, Ryabkov a précisé que ce processus de révision était à un stade avancé. Il ne s’agit, selon le Kremlin, de rien d’autre qu’une réponse à une “escalade des adversaires occidentaux” en Ukraine. Pour la Russie, l’Occident lui mène, à travers ses soutiens à Kiev, une guerre par procuration.
Mais entre la déclaration de Poutine en juin et aujourd’hui, une nouvelle variable s’est ajoutée à l’équation, à savoir une percée ukrainienne facilitée par l’usage de drones FPV dans la région de Koursk, un oblast russe frontalier de l’Ukraine, théâtre de combats près de la centrale nucléaire de la ville. La doctrine actuelle prévoit déjà comme conditions de recours à l’arme nucléaire une éventuelle “agression avec des armes conventionnelles menaçant l’existence même de l’État russe”. Mais ce risque n’est pas explicitement défini dans le décret de 2020.
“Il y a une intention claire de faire des corrections”, explique encore Sergei Ryabkov. La décision du Kremlin, qui était déjà préconisée par des experts russes, suscite toutefois de nombreuses interrogations sur la révision de la doctrine nucléaire russe et ses réelles répercussions, notamment la réponse occidentale et le risque d’une escalade incontrôlée du conflit.
Selon les estimations de la Federation of American Scientists (FAS), la Russie détiendrait le plus grand arsenal au monde, avec un total de 5.580 ogives nucléaires en cette année 2024.
France-Soir