Sur les 70 adhérents de l’Association des entrepreneurs kanak, 80 % sont actuellement en difficulté, due à la crise que traverse le Caillou. « Même si les exactions se passent ici, dans le Grand Nouméa, nous sommes aussi fortement touchés, commence Jules Neköeng, membre de l’AEK et gérant de la société Terre de verts à Lifou. Tout notre personnel est au chômage partiel à mi-temps« . Un constat similaire pour Jacinthe Kaichou, vice-présidente de l’association et cheffe d’entreprise à Thio. « La situation actuelle nous affecte beaucoup, nous préparons nos salariés à un possible licenciement économique.«
Une bombe à retardement
Malgré ce constat, l’AEK a tenu à organiser une conférence de presse dans ses locaux ce jeudi 25 juillet afin de « faire entendre notre voix, beaucoup d’acteurs économiques se sont déjà prononcés sur le sujet, constate Jules Neköeng. Malgré tout, ce qui a été réalisé depuis 1988, c’est une bombe à retardement qui a explosé le 13 mai à la figure des acteurs politiques et économiques, que personne n’a vu venir. Nous condamnons ces exactions, évidemment. Cette jeunesse, c’est une catégorie sociale qui est restée à la marge du développement économique. » L’AEK propose donc une première solution : monter un projet pilote dans les quartiers nord de Nouméa. À commencer par Tindu, où l’un des membres de l’association a grandi et travaille.
Projet pilote à Tindu
Edmond Kalosike est gérant de la société Travaux maintenance et rénovation Kalosike (TMRK). Il emploie cinq personnes et travaille au cœur de la cité de Tindu. « Il sera notre référent, il faut donner des options aux jeunes qui veulent faire quelque chose, et les accompagner pour monter une petite entreprise, techniquement et sous forme de conseils« , explique Jules Neköeng.
L’AEK veut utiliser l’entreprise comme levier, comme outil pour redonner de la confiance en soi. « Dans la cité de Tindu, nous sommes tous ouvriers depuis le boom du nickel, c’est compliqué pour nous d’avancer, raconte Edmond Kalosike. J’ai pris une patente en 2007, puis ouvert ma société en 2021, j’ai pris du temps pour comprendre comment ça fonctionne, j’ai appris tout seul. »
Ce chef d’entreprise sera donc un relais pour soutenir les volontaires, ceux qui voudraient aller de l’avant. « Si d’ici la fin de l’année nous avons mis en place deux ou trois projets, nous aurons déjà gagné« , estime Jules Neköeng. « Nous voulons montrer que l’on peut rêver, et surtout aller plus loin« , renchérit Jacinthe Kaichou.
Avancer avec ses propres moyens
L’AEK souhaite également mettre en place un centre de formation pour accompagner les entrepreneurs : « lutte contre l’illettrisme, formations de base sur la communication, la gestion des entreprises… » détaille Jacinthe Kaichou, vice-présidente de l’AEK. Un projet qui est déjà sur les rails, mais que la situation actuelle va accélérer. Pour l’AEK, l’entrepreneuriat « est une des solutions pour avoir un revenu tout en restant sur nos territoires, mais nous voulons remettre l’homme au centre [de l’entreprise] pour créer de la richesse là où l’on vit. L’AEK ajoute un volet culturel et coutumier dans le monde entrepreneurial.«
Ainsi, même si les membres de l’association concèdent qu’il n’y a que très peu de visibilité d’ici la fin de l’année, ils veulent reconstruire. « Ce n’est pas simple, mais nous ne devons pas nous décourager, pour nos salariés, pour nos adhérents« , affirme Jacinthe Kaichou. L’AEK propose d’ailleurs des réunions en visio avec ses adhérents pour leur offrir conseils et soutien. « L’économie calédonienne est à terre, mais nous allons avancer avec nos propres moyens », lance Jules Neköeng. L’association n’est pas contre une aide des collectivités, « mais nous n’allons pas attendre, implorer le ciel », poursuit le membre de l’AEK. « Il faut diversifier le tissu économique, nous avons toujours misé sur le nickel, mais si on avait misé sur d’autres secteurs, on n’en serait pas là aujourd’hui.«
Les Nouvelles Calédoniennes