Entraîneur puis manager général de Teddy Riner, le Calédonien Laurent Calleja était aux côtés du judoka français à Paris. Plus de trois semaines après la fin des Jeux olympiques, il raconte ce nouveau triomphe et ces deux médailles d’or. Avec fierté, avec générosité, mais toujours avec pudeur.
La flamme olympique s’est éteinte il y a trois semaines maintenant, le 11 août dernier. Pourtant, pour certains, il est encore bien difficile de redescendre sur terre, de retrouver la vie quotidienne. « Je suis là sans être là. J’ai encore ma tête aux Jeux je crois », soufflait ainsi Laurent Calleja il y a une dizaine de jours, de retour sur le Caillou après cette parenthèse enchantée. Il n’a, officiellement, pas de médaille d’or autour du cou. Pourtant, son large sourire, qui ne le quitte rarement il faut l’avouer, traduit le sentiment du devoir accompli. Lui, l’homme de l’ombre peut enfin souffler. Savourer même. Son protégé, Teddy Riner, à qui il dicte le quotidien (ou presque) depuis de nombreuses années, a parfaitement réussi sa mission en décrochant sur le tatami parisien un troisième titre de champion olympique en individuel et un second titre de champion olympique par équipes. Laurent Calleja a suivi cela depuis la salle d’échauffement. « La pression était tellement énorme qu’en fait, l’objectif était de faire de cette journée de combat une journée comme une autre », raconte-t-il. « Et moi, je verrouillais tout ce qui se passait autour du tapis, je voulais qu’il n’y ait aucune personne qui intervienne pendant cette journée. À ce moment précis, Teddy est très fragile, mais la seule science qui compte, c’est celle de son entraîneur, c’est la stratégie mise en place et c’est tout. »
« Un gros bisou »
Mission accomplie. Cela méritait bien « un gros bisou », loin des caméras et de l’ambiance survoltée. « Il n’y a pas forcément besoin de mots. On ne parle pas beaucoup avec Ted, mais on se comprend vite », confie-t-il. Heureux et fier. Ce triomphe ne date pas d’hier. « On est allé chercher des partenaires différents, des pays différents, des ambiances différentes, des structures différentes, des entraîneurs différents, des approches techniques différentes. Tout ça, il a fallu le mettre en place », se remémore Laurent Calleja. Jusqu’à Paris, où ils sont arrivés seulement dix jours avant le rendez-vous planétaire. « Avant, on ne s’était pas forcément rendu compte que c’était le début. On était dans notre quotidien, dans notre routine. » Jusqu’à « l’étincelle » de la cérémonie d’ouverture et l’allumage de la vasque olympique. Un « coup de boost » imprévisible et incontrôlable pour basculer, tête la première, dans la compétition.
« Teddy m’étonne encore »
Le reste appartient dorénavant à l’Histoire : un premier combat particulièrement accroché face à l’Emirati Magomedomar Magomedomarov, un second électrique contre le Géorgien Guram Tushishvili, une demi-finale maîtrisée contre le Tadjik Temur Rakhimov et une finale irrespirable face au Sud-Coréen Kim Min-jong, champion du monde en titre. Jusqu’à ce ippon qui fera date. Laurent Calleja, lui, parle de sérénité. « Le résultat, en fait, il ne m’étonne pas. Mais Teddy m’étonne encore dans la manière de faire. Techniquement parlant, il était incroyable, bien meilleur que ces dix dernières années. Et finalement, ce résultat est à l’image de sa préparation : sereine et tranquille », détaille-t-il.
Un moment « magique » dans une ambiance incandescente. Pourtant, difficile pour le Calédonien de décrire précisément la folie parisienne. Après quelques secondes de réflexion, il décrit surtout « une ville un peu fantôme », avec « très peu de voitures, très peu de monde mais beaucoup de policiers ». « Une zone très sécuritaire ou tout était facile. »
Un discours qui contraste avec les récits de certains. « Je n’ai pas vécu des Jeux festifs », reprend-t-il. « Mais, quand tu gères un mec comme Ted (qui a par ailleurs annoncé sa volonté de poursuivre jusqu’à Los Angeles 2028, NDLR), tu ne peux pas vraiment. Mais, c’est le deal. Je crois qu’il n’y a pas beaucoup d’entraîneurs qui profitent des Jeux. » Ils resteront tout de même gravés. Loin de la fête et de la folie. Dans l’ombre du géant guadeloupéen.
Claire Gaveau
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