C’était une loi du Pays attendue… Elle a finalement été adoptée mardi 9 juillet à l’Assemblée de Polynésie française. Il sera donc possible en Polynésie de consommer des médicaments à base de cannabis thérapeutique et à terme de cultiver du cannabis non stupéfiant. Une première étape de franchie saluée par les malades et le syndicat polynésien du chanvre.
« Il ne s’agira pas de cultiver du paka à la maison pour se soigner, ce n’est pas de tout cela ». Le président du syndicat polynésien du chanvre souhaite être clair : la loi du Pays autorisant l’utilisation du cannabis thérapeutique ne signifie pas qu’il faut faire tout et n’importe quoi avec le cannabis. Mais, elle est une première étape dans la reconnaissance et la pratique du cannabis thérapeutique.
« Il y a deux volets. Celui du cannabis médical, la loi autorise l’importation de médicaments agréés par les pays dont ils sont originaires. Et celui du cannabis dit non stupéfiant, la loi autorise sa culture et son exploitation »
Philippe Cathelain – président du syndicat polynésien du chanvre
Avant d’en arriver là, il faut d’abord fixer les règles par des arrêtés d’application car il s’agit d’un domaine à verrouiller pour éviter les dérives. Une phase de test d’un an est prévue pour vérifier si les semences déjà recueillies et analysées par l’institut Louis Malardé sont suffisamment stables et ne dépassent pas le seuil maximum légal de 0,3% de THC imposé dans l’Hexagone. Ce mardi, un amendement a également été adopté visant à protéger la future filière de production locale de cannabis non stupéfiant. Il faudra justifier de 10 ans de résidence pour se lancer dans cette activité. Une loi qui doit être encore promulguée et qui devrait entrer en vigueur début 2025.
Cette loi est une véritable avancée pour les familles de patients atteints de pathologies lourdes. C’est le cas de Tumata, maman d’un enfant épileptique pharmacorésistants. Depuis des années, elle utilise le CBD avec du THC pour soigner ou tout du moins soulager son fils. L’huile de cannabis est la seule chose qui soulage ses crises : Ariimatatini est passé de 20 crises par jour à trois puis une par mois… « C’est une grande joie. Cela nous laisse l’opportunité de soulager les malades un peu plus et surtout avec un esprit serein », confie cette mère de famille, heureuse donc que cette loi du Pays ait été adoptée.
L’utilisation du cannabis comme médicament est loin d’être nouvelle. On en retrouve des traces dans les plus anciennes pharmacopées : il y a environ 12 000 ans en Asie Centrale, puis dans le bassin méditerranéen, au Moyen-Orient, en Afrique du Sud, en Amérique du Sud et en Europe. Depuis les années 1960, les neurologues, les pharmacologues et les chimistes ont identifié un certain nombre de substances appelées cannabinoïdes dans les plantes. Parmi ces cannabinoïdes, les deux plus connus sont le CBD et le THC. Tous deux ont un effet différent sur le cerveau. Le premier agit comme un anxiolytique ou antipsychotique, le second comme un psychotrope.
« Dans le CBD, il y a un certain nombre d’indications pour les cancers, les maladies inflammatoires mais aussi en psychiatrie où il est très intéressant de considérer le CBD à forte dose comme traitement des addictions et troubles post-traumatiques. Le THC, lui, a plus d’effets sur des processus comme la douleur et certaines pathologies pour lesquelles on n’a pas encore trouvé de médicaments pharmacologiquement actifs»
Christian Sueur, psychiatr, addictologue et fondateur du GRECC, le groupe de recherche et d’études cliniques sur les cannabinoïdes.
Le CBD n’étant pas un stupéfiant il peut être utilisé comme un doliprane par exemple, le THC lui reste un produit considéré comme stupéfiant. « Il y a eu une avancée importante l’année dernière. Les Nations-Unies ont considéré que le THC pouvait désormais être à nouveau considéré comme un médicament, mais cela reste toujours un produit interdit. Le taux de 0,3% est lié à cela, c’est une question plus juridique que thérapeutique », précise le spécialiste.
Dans l’expérimentation française qui a commencé il y a environ quatre ans, on retrouve des taux de THC bien supérieur à 0,3% mais cela est strictement limité à certaines indications et prescriptions dans des services hospitaliers spécialisés, essentiellement des centres de la douleur et des services de neurologie. En revanche, dans certains pays, le taux de THC est supérieur à celui imposé dans l’Hexagone. C’est le cas par exemple de l’Allemagne, d’Israël ou encore du Canada. « Tout un tas de pathologies sont traitées aujourd’hui dans ces pays avec du cannabis thérapeutique aux taux de THC plus important que celui de la France, le Pays pourrait par la suite aller plus loin comme ces autres pays du monde. La deuxième étape sera de permettre d’utiliser des médicaments avec un taux de THC supérieur pour traiter des pathologies différentes comme toutes les épilepsies, des maladies neurodégnératives (alzheimer, parkinson et certains cancers)« , conclut le spécialiste.
Outre-mer la 1ère – nouvelle calédonie