DNC : Quel a été le sentiment des élus lorsque KNS a annoncé les licenciements ?
Patrick Robert : Le déclic s’est produit en février, quand KNS a annoncé la mise en veille de l’usine. Beaucoup de sous-traitants ont arrêté en mars, et les salariés savaient que, s’il n’y avait pas de repreneur dans les six mois, ils allaient à leur tour être arrêtés. Ce qui est le cas.
La conséquence n°1 pour la ville, c’est le gel du marché immobilier. Nous avions encore cinq maisons communales à vendre. Les potentiels acquéreurs travaillaient dans le secteur minier. La banque ne prête plus. Du coup, ces cinq ventes ne se font pas. Pour la mairie, ce sont 45 millions de francs de recettes prévisionnelles qui de fait ne seront pas enregistrés.
Nous savons par les agences immobilières que près de 200 maisons ont été libérées à Koné depuis le 1er mars. Nous le constatons, les gens remplissent à la mairie une attestation de déplacement pour leur déménagement. Et j’en signe trois à quatre par jour en ce moment.
Quel est l’impact dans le village ?
Le soir, auparavant, on pouvait manger dans dix restaurants. [Fin août], il ne restait plus qu’un établissement ouvert en raison de la baisse d’activité économique, des réquisitions par les gendarmes, mais aussi des événements débutés le 13 mai. C’est une conséquence immédiate.
Il n’y a pas d’incidence pour l’instant dans les écoles. Car des gens partent bien avec leurs enfants, mais d’autres arrivent de Nouméa, à la suite des violences. Les 150 à 200 logements libérés n’ont généré le départ que de 40 enfants. Koné est la commune de la Grande Terre où il y a le plus d’écoles présentes en tribus. Nous avons 2 300 élèves dans neuf écoles et deux collèges. Ce sont de grosses écoles, nous ne craignons pas de fermeture.
Je résume : avec l’arrêt de KNS il y a moins de gens en ville, le marché de l’immobilier va stagner, voire diminuer, l’incidence sur les effectifs scolaires ne sera perceptible probablement qu’en fin d’année.
Craignez-vous une fonte de la population ?
Le recensement, initialement prévu en octobre, a été repoussé d’un an. Nous étions contents de penser que nous allions franchir la barre des 10 000 habitants cette année, et être la “première” ville hors des quatre communes du Sud. Le rééquilibrage avec VKP (Voh, Koné et Pouembout) qui a beaucoup plus profité à Koné, avec la création de la province, puis de l’usine métallurgique, de l’hôpital, et enfin du centre de détention, va s’arrêter. Une dynamique négative peut s’installer. Je prends un exemple : les stations-service, ouvertes 24 heures sur 24 actuellement – ce qui était une révolution il y a quelques années pour la province Nord –, pourraient fermer à 20 heures, comme avant, s’il n’y a plus que trois clients la nuit.
Les anciens salariés de KNS vont partir ou faire davantage attention ici à la dépense. Mais KNS n’est qu’une des parties de la chute économique globale du pays.
Redoutez-vous une incidence budgétaire liée à l’arrêt de l’usine ?
En direct, non. Mis à part, comme je le disais, sur la consommation dans la commune. Des magasins vont fermer. En outre, en raison des événements, des agriculteurs ne vendent plus autant de produits maraîchers à Nouméa, puisque des super ou hypermarchés ont brûlé. D’où les petits points de distribution en bord de route.
L’alerte vient plutôt du budget de répartition. Le montant réparti entre les 33 communes est passé de 19 milliards de francs auparavant à 14. Koné ne reçoit plus 581 millions du fameux FIP, ou fonds intercommunal de péréquation, mais 440. On perd 141 millions, qu’il faut donc que nous enlevions de différents postes dans les quatre mois, avant la fin de l’année. C’est très dur.
Restez-vous confiant sur une reprise des parts de Glencore ?
Oui, je pense qu’il y aura un repreneur. Mais avec quels effectifs ? Quelle technologie ?
Si nous perdons 2 000 habitants définitivement, les équilibres communaux ne vont bien sûr plus être les mêmes. Mais, avec tous ses acquis, Koné restera la capitale de la province Nord.
Propos recueillis par Yann Mainguet
Environ 1 000 salariés de KNS ont été licenciés au 31 août. Près de 200 employés assureront la transition vers la veille froide de l’usine jusqu’à la fin octobre, et 20 jusqu’en décembre, avant de partir à leur tour. Actionnaire à 49 % de Koniambo Nickel, la multinationale du négoce Glencore prend en charge les frais de licenciement des salariés ainsi que le coût de la veille froide estimé entre 2 et 3 millions de dollars US par mois (assurances, énergie, main-d’œuvre et maintenance), soit entre 216 et 324 millions de francs.
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