Au lendemain de la désillusion aux législatives et en attendant “la victoire différée” selon les termes de Marine Le Pen, le Rassemblement national (RN) repart au galop sur la scène européenne. Le parti a annoncé son ralliement au nouveau groupe des “Patriotes pour l’Europe”, créé par Viktor Orban, dont le pays a pris, cela fait une semaine, la présidence tournante de l’Union Européenne (UE). Le RN rejoint ainsi le Figesz, parti du Premier ministre hongrois, ainsi que des députés autrichiens et slovaques, jugés “d’extrême droite”. Cette adhésion a fait du groupe “Patriotes pour l’Europe” le troisième plus important au Parlement de Bruxelles, derrière le PPE et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates. Là encore, les eurodéputés macronistes, membres du groupe Renew, perdent de la marge.
Devant son échec à “occuper Bruxelles” lors des dernières européennes et contrer les principaux États membres, particulièrement sur les fâcheuses questions de la guerre en Ukraine, l’immigration ou encore l’écologie, Viktor Orban a profité du début de la présidence hongroise tournante de l’UE pour annoncer la mise en place de son groupe parlementaire. Il avait déjà à l’annonce de la nouvelle le soutien de Herbert Kickl, chef du parti nationaliste autrichien (FPÖ), d’Andrej Babis, ancien Premier ministre tchèque et fondateur d’un mouvement centriste (ANO 2011) ou encore de Chega, parti d’extrême droite portugaise.
Le RN et Orban s’associent contre la “confiscation de la souveraineté”
« Cette nouvelle force politique (…) sera bientôt la plus grande formation de droite au Parlement européen », avait affirmé Orban, insistant sur son projet de “combattre l’élite bruxelloise” qui n’a pas « compris les souhaits des électeurs. (…) Cette alliance entend lutter contre la guerre, la migration, l’inflation et le pacte vert européen », explique-t-il.
De son côté, le RN avait frappé un bon coup en France lors des européennes. Le parti ainsi que son président, Jorban Bardella, s’étant accaparés la part du lion, soit 31,47 % des suffrages exprimés. Dès l’annonce des résultats, le président Emmanuel Macron avait dissous l’Assemblée nationale. Si le Rassemblement national est arrivé à la tête du premier tour le 30 juin dernier, il a reculé à la troisième place dimanche au second tour, derrière le Nouveau Front populaire et Ensemble.
Ce n’est pas bien grave aux yeux de Marine Le Pen. “La marée monte, elle n’est pas montée assez haut cette fois-ci, mais elle continue de monter. Notre victoire n’est que différée”, a-t-elle réagi. En attendant celle-ci, le RN a annoncé, dès la soirée de dimanche, son ralliement au nouveau groupe des “Patriotes pour l’Europe”.
Pour rappel, ses eurodéputés siégeaient déjà au sein du groupe Identité et démocratie (ID), cofondé en 2019. Première délégation en nombre avec une trentaine d’élus, le RN dirigera légitimement ce nouveau groupe parlementaire. C’est Jordan Bardella qui en a été élu président hier matin. Ce groupe, affirme-t-il, “pèsera dans les rapports de force en Europe, pour refuser la submersion migratoire, l’écologie punitive et la confiscation de notre souveraineté”. « Dès lundi, nos eurodéputés joueront pleinement leur rôle dans un groupe important”, a-t-il ajouté.
Ce ralliement était dans l’air. En mai, Marine Le Pen annonçait la rupture entre le RN et son allié allemand, l’AfD et le groupe ID entérinait l’exclusion de la formation allemande dans la foulée. L’événement laissait présager une recomposition des forces dites conservatrices ou nationalistes à Bruxelles.
Le 3e groupe parlementaire face au “cordon sanitaire”
Avec cette nouvelle composition, “Les Patriotes pour l’Europe” deviennent le troisième groupe parlementaire le plus important à Bruxelles. Le PPE, dont est issue Ursula von der Leyen, actuelle présidente de la Commission européenne (CE) et bien partie pour être réélue, ainsi que l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates, maintenant le contrôle sur le Parlement européen avec environ 400 députés.
Toutefois, les “Patriotes pour l’Europe”, auxquels ont adhéré les Espagnols de Vox, qui claquent la porte du groupe ECR de Giorgia Meloni et du PiS polonais, dépassent le groupe Renew, dont font partie les eurodéputés macronistes. La coalition de la Première ministre italienne, qui a refusé de s’associer aux forces du RN et du Premier ministre hongrois pour ses positions jugées favorables au président russe Vladimir Poutine, est d’ailleurs l’autre groupe dépassé par l’initiative de Viktor Orban.
La vice-présidente de Jordan Berdella, la Hongroise Kinga Gal, eurodéputée depuis 2004 avec le PPE, a exprimé l’ambition des “Patriotes pour l’Europe”. “Nous comptons bien avoir des postes qui correspondent aux millions d’électeurs que nous représentons”, a-t-elle indiqué lundi à Bruxelles, en l’absence du président du RN.
Valérie Hayer, présidente du groupe Renew, a pour sa part annoncé son intention de contrer Orban et ses alliés. “Notre ligne est extrêmement claire, on ne négocie pas avec l’extrême droite (…) Bien sûr, nous utiliserons de nouveau le cordon sanitaire”, a-t-elle déclaré, en référence à la stratégie visant à exclure les élus du groupe ID d’obtenir des responsabilités au sein de l’institution.
Avec la Hongrie à la présidence de l’UE et les “Patriotes de l’Europe” au Parlement, Viktor Orban, le RN et leurs nouveaux alliés entendent bien peser et ralentir le travail des 27, particulièrement sur l’aide à l’Ukraine, l’immigration et l’écologie.
France-Soir