Les élections législatives au Royaume-Uni marquent un tournant avec le retour au pouvoir des travaillistes, qui mettent fin à 14 ans de pouvoir conservateur. Voici les cinq principaux enseignements de la nuit électorale.
– Écrasante victoire du Labour, mais pas historique
Avec 410 sièges et une majorité sans appel selon les résultats vendredi matin prenant en compte 639 des 650 circonscriptions, le parti travailliste (centre-gauche) revient en force.
Mené par Keir Starmer, ancien avocat de 61 ans qui va ainsi devenir Premier ministre, le Labour a bénéficié à plein de la soif de changement des électeurs, faisant plus qu’effacer sa cuisante défaite d’il y a cinq ans.
En particulier, le parti a récupéré de nombreuses circonscriptions désindustrialisées du nord du pays, ce « red wall » longtemps considéré comme acquis, mais qui avait été attiré par les promesses du Brexit et les investissements vantés par l’ancien Premier ministre conservateur Boris Johnson pour réduire les inégalités régionales.
Contrairement à ce que laissaient entendre les sondages en fin de campagne, la victoire du Labour devrait donc rester inférieure à celle de Tony Blair en 1997 (418 sièges).
Et la réélection de l’ancien chef du Labour Jeremy Corbyn (2015-2020), exclu pour sa gestion des accusations d’antisémitisme au sein de la formation, dans sa circonscription londonienne constitue un affront pour Keir Starmer et une épine dans le pied du futur gouvernement. Très à gauche, il ne manquera pas d’utiliser la tribune du Parlement pour critiquer la politique centriste promise par son successeur.
Aussi le taux de participation un peu inférieur à 60%, bien en deçà d’il y a cinq ans, est un signe inquiétant du manque d’enthousiasme qui accompagne la victoire du Labour, davantage attribuée au rejet des conservateurs qu’au programme travailliste ou à son chef peu charismatique.
– Percée de la droite dure
Choc dans la politique britannique : le parti anti-immigration et anti-système Reform UK a réussi à rafler quatre sièges. Cela reste malgré tout en deçà des 13 députés que lui prédisaient les premiers sondages à la sortie des urnes jeudi soir.
Pénalisé par un mode de scrutin qui favorise les grands partis, Reform s’est tout de même classé en deuxième position dans un nombre non négligeable de circonscriptions, devant les conservateurs. C’est un signe d’un mouvement de fond en sa faveur, en particulier dans le nord populaire de l’Angleterre.
Son chef, le fervent promoteur du Brexit Nigel Farage, 60 ans, lui-même élu -après sept tentatives infructueuses- dans la circonscription de Clacton-on-Sea (est), y a vu « le premier pas de quelque chose qui va tous vous abasourdir ».
– Des ténors conservateurs battus
« Massacre », « catastrophe », « Waterloo »… Les qualificatifs tonitruants n’ont pas manqué pour cette défaite historique avec autour de 120 sièges pour les Tories, triomphants en 2019. Le plus dur commence pour les conservateurs, contraints de se reconstruire au moment où ils se divisent sur leur ligne politique.
Neuf ministres de premier plan du gouvernement sortant ont été battus, un record. Plusieurs autres pointures ont sauvé leur siège de justesse, comme le ministre des Finances Jeremy Hunt et le président du parti Richard Holden, vainqueur à 20 voix près.
Ultime claque au petit matin : l’élimination de l’ex-Première ministre Liz Truss, sans regret après ses 49 jours au pouvoir en 2022, marqués par une crise financière sous l’effet de ses errements budgétaires. Un signal envoyé aux Tories pour la suite, alors que certains voyaient en elle l’incarnation d’une droite libertarienne à la Donald Trump.
– En Ecosse, la crise s’aggrave pour les indépendantistes
L’ex-Première ministre Nicola Sturgeon l’a admis d’emblée : « Ce n’est pas une bonne nuit pour le SNP », le Scottish National Party qui domine la vie politique locale depuis une quinzaine d’années.
Il est relégué de la troisième à la quatrième place au parlement de Westminster avec huit députés sur 57 sièges représentant l’Ecosse, contre 48 auparavant. Un revers de plus pour le SNP, déstabilisé depuis la démission surprise de la charismatique Nicola Sturgeon l’an dernier. Son successeur n’a tenu qu’un an.
Le parti de gauche est toujours visé par une enquête sur son financement et dépourvu de stratégie pour obtenir l’indépendance, combat un temps relancé par le Brexit mais bloqué par Londres.
Le Labour est redevenu dominant dans le territoire, comme jusqu’en 2010.
Dans les médias, les élus du SNP ont attribué ce recul à la volonté des électeurs de déloger les conservateurs et non à un rejet de l’indépendance.
Mais le pari est perdu pour le Premier ministre John Swinney, qui espérait que remporter une majorité des circonscriptions lui permettrait d’exiger du gouvernement britannique de nouvelles négociations. Et le SNP sera désormais moins audible sur la scène politique nationale.
- Swinney a admis que le SNP n’était actuellement pas en train de « gagner le débat » sur l’indépendance et devrait affronter « une remise en question ».
– Le retour en force des LibDem
Personne n’avait vu venir les libéraux-démocrates, parti pro-européen balayé en 2019 et désormais concurrencé au centre par le nouveau positionnement du Labour.
Il crée la surprise avec 70 députés, le meilleur résultat de son histoire, au-delà de ses succès du début des années 2000 qui avaient conduit les « LibDem » à participer à une coalition avec les conservateurs entre 2010 et 2015.
Le parti profite du rejet des conservateurs, qui ont dérivé à droite depuis le Brexit, au sein de l’électorat de centre-droit. Mais aussi de la stratégie improbable de son leader Ed Davey, qui a assumé amuser la galerie tout au long de la campagne -sur un toboggan, un paddle ou des montagnes russes- pour attirer l’attention médiatique sur ses propositions – améliorer la gestion de la dépendance ou lutter contre la pollution des rivières.
Source AFP