« Quand il y a de l’argent à se faire » : avec plus de 15 millions de visiteurs attendus en Ile-de-France, les Jeux olympiques risquent de faire aussi les affaires du trafic de drogues et de ses revendeurs.
« On est toujours prêts dans ce métier-là », indique à l’AFP un dealer qui vit principalement aux dépens de consommateurs parisiens et revend du cannabis. Il s’exprime sous couvert d’anonymat.
Il a conscience que la police, massivement mobilisée durant l’événement, sera aux aguets. Mais, dit-il, « il y aura toujours quelqu’un qui est prêt, c’est comme ça que ça marche quand il a de l’argent à se faire ».
Avec jusqu’à 45.000 membres des forces de sécurité en patrouille dans les rues, certains experts prédisent une augmentation des ventes de doses directement livrées à domicile via les réseaux sociaux facilement accessibles sur smartphone.
Ce canal s’était largement imposé pour contourner les règles de restriction de circulation durant le Covid et s’est banalisé depuis, parallèlement à l’emprise croissante des trafics partout en France et des violences qu’ils génèrent.
« Il y a une forme d’ubérisation du trafic de stupéfiants avec le développement d’offres dématérialisées sur des applications comme Telegram », constate l’avocat Adrien Gabeaud, qui observe aussi les méthodes marketing déployées par les trafics, avec ses menus, ses promos…
A l’approche des Jeux, les dealers ont déjà commencé à mettre à jour leur offre de services et à préparer les clients à quoi s’attendre durant la compétition sportive qui s’ouvre vendredi jusqu’au 11 août.
« Nous tenons à vous informer que durant les Jeux Olympiques 2024 à Paris, les prix de nos services seront ajustés en raison des conditions de circulation très difficiles et de la forte demande », peut-on ainsi lire dans un message.
– « Place nette » –
Un revendeur prévient par messagerie que les transactions n’auront plus lieu en plein air : « Les policiers seront à l’affût ». Un autre assure du contraire : « Je t’informe que malgré les JO, le service de livraison restera le même et ce jusqu’à la fin de l’événement ».
Fin mai, la police avait ciblé préventivement un point de deal du vieux Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, dans le cadre d’une opération « place nette » près du village olympique et interpellé quinze personnes.
Il est encore trop tôt pour dire si les prix augmenteront, mais Me David Curiel, avocat au barreau de Paris, est formel : « Ils ont hâte », dit-il, comparant la période à l’engouement des acheteurs pour les magasins en période de soldes.
« A Paris, le gramme de cocaïne tourne entre 50 et 60 euros. Ca ira probablement jusqu’à 80 euros le gramme », pense-t-il.
Un enquêteur de la brigade des stupéfiants est plus dubitatif. Il n’y a « aucun effet particulier JO pour le moment », dit-il à l’AFP, ni sur les prix ni sur la variété des produits écoulés en toute illégalité. « Il y a déjà une offre incroyable disponible ».
Il n’imagine pas non plus que les tarifs puissent s’envoler sous l’effet de livraisons plus compliquées ou de la plus forte présence policière.
« Pendant le Covid, c’était différent, et vraiment incroyable, les prix ont été multipliés par deux ou trois, mais c’était la guerre pour trouver des trucs. Pendant les JO, ça va aller », commente le revendeur.
Le chiffre d’affaires du trafic de drogue en France, qui n’épargne désormais plus aucun territoire, est estimé entre trois et six milliards d’euros par an, selon une commission d’enquête du Sénat dont le rapport est paru en mai.
Environ 240.000 personnes en vivent, selon l’office antistupéfiants (Ofast) et malgré une répression tous azimuts, le trafic avec son cortège de fusillades et de règlements de compte tue un nombre croissant de personnes, parfois sans lien avec la drogue : environ 450 en 2023 dont 30% étaient âgées de moins de 20 ans, selon l’office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO).
AFP