ne sera pas un nouveau 13 mai.
Les forces de l’ordre vont-elles être renforcées après les JO ?
Je l’ai demandé. Pour libérer les axes routiers de la côte Est, il faut des camions, des tractopelles, escortés par des gendarmes mobiles, et je ne peux pas aujourd’hui utiliser les moyens déployés pour la protection du Grand Nouméa et de la côte Ouest.
Il s’agit essentiellement de gendarmes mobiles et de militaires pour assurer les relèves mais aussi la protection de points stratégiques comme l’usine d’eau potable du mont Té, le port, les aéroports…
Est-ce que la date du 24 septembre vous inquiète ?
Ça fait parler. J’ai un volume de forces qui va être accru. Et ça ne sera pas un nouveau 13 mai, parce que je prendrai les dispositions nécessaires. Donc s’il y en a qui ont des intentions belliqueuses, guerrières, destructrices, qu’ils prennent leurs responsabilités, moi je prendrai les miennes.
On parle de 6 000 départs au premier semestre. Est-ce une préoccupation ?
Ici, c’est le royaume de la rumeur. On n’a pas mesuré ce chiffre. Il y a des gens qui vont partir, sont déjà partis, ne reviendront pas ou pas tout de suite. C’est difficile à jauger. En tout cas, beaucoup de chefs d’entreprise que j’ai rencontrés ne veulent pas partir. Ils attendent les indemnisations à la hauteur de leurs pertes, espèrent pouvoir se réassurer et que les assurances intègrent la clause émeutes. Elles se font d’ailleurs tirer l’oreille en ce moment par l’État.
Donc beaucoup vont choisir en fonction de cela. D’autres entreprises n’ont pas été détruites, mais subissent des pertes qui les contraignent à licencier une partie de leur personnel. Pour moi, le premier enseignement de cette crise, c’est que des milliers de familles vont plonger dans la misère. Parce que leur outil de travail a été détruit.
Comment se déploie l’aide de l’État ?
On a des collectivités qui ne peuvent plus faire face aux dépenses d’investissement et de fonctionnement pour lesquelles elles se sont engagées. Notamment les salaires. Donc l’État a déployé des fonds pour les aider en urgence. Avec des subventions directes (6 milliards de francs), une avance remboursable auprès de la Caisse des dépôts et consignation (12 milliards), les prêts garantis par l’État (50 milliards). Pour l’instant, il s’agit d’assurer la survie des collectivités. Il y a aussi de nombreuses conséquences sur les associations. Je pense à celles spécialisées dans l’aide alimentaire. Il faut que la Banque alimentaire soit relayée par d’autres. On met tout cela en place avec le gouvernement pour éviter une catastrophe d’une tout autre ampleur.
On essaie de parer aux urgences et après, à partir de septembre, il faut que ces collectivités nous disent très précisément quels sont leurs besoins : on va les aider, comme on les a aidées pour sauver Enercal (1,7 milliard de francs) ou pour le chômage partiel. Ensuite, il faut couvrir toute la période de septembre à décembre. Et à partir de janvier, on va rentrer dans une nouvelle période qui sera celle de la reconstruction. Il faudra faire des choix : qu’est-ce qu’on reconstruit ? Combien ça coûte ? Combien les collectivités vont-elles pouvoir mettre sur la table ? Peut-être rien… L’État, par le biais de la mission reconstruction, doit pouvoir évaluer les besoins prioritaires. Des éléments seront intégrés par la loi de finances, mais il va falloir commencer avant.
Quelles sont les priorités pour la reconstruction ?
Dix-neuf établissements scolaires ont été détruits. La ministre déléguée Marie Guévenoux a confirmé une prise en charge par l’État du coût de leur reconstruction en intégralité. Une enveloppe de 3 milliards de francs a été annoncée.
Il y a une fracture très profonde, ethniquement, entre les communautés.
Quelle est la situation des communes ?
Elles sont toutes en difficulté. Et plus la commune est grosse, plus les engagements sont importants, plus les échéances en termes d’investissement sont importantes. Elles devront faire des choix sur des projets qu’elles sont en capacité financière de poursuivre et d’autres qu’elles abandonneront. Et ça va nous imposer de répartir les fonds publics de l’État. On s’adaptera. Elles pourront demander que des financements soient redéployés sur d’autres projets qu’elles sont en mesure de réaliser.
C’est possible ?
Normalement, non. Quand on s’engage, on signe pour quelque chose de précis. Nous avons les contrats de développement et des appels à projets. Il y aura des modifications. J’ai prévenu l’autorité politique qu’il faudra être souple pour les accompagner efficacement.
Quel sera, selon vous, le signe permettant de lever la mobilisation des forces de l’ordre ? Croyez-vous en une solution politique ?
J’aimerais bien pouvoir répondre. Un accord politique ? C’est sûr qu’il aurait été préférable de le trouver. Parce qu’après le 3e référendum, bien qu’il soit contesté, on est arrivés au bout de l’accord de Nouméa. Il faut trouver autre chose. Et on n’a pas réussi à trouver un accord pour garantir des visibilités, des perspectives pour la Nouvelle-Calédonie. On a mis un an et demi pour aboutir au constat que personne n’était d’accord et là, ça ne peut pas attendre un an et demi. C’est tout de suite. Je ne pense pas que le territoire a déjà connu une telle accumulation de difficultés. Donc on peut raconter des tas de choses, mais mettez-vous à la place d’une famille qui a perdu ses ressources. Le problème, c’est le quotidien des gens.
Pour moi, représentant de l’État, c’est très préoccupant. Et selon moi, la difficulté se place au-delà de la recherche d’un accord : il y a une fracture très profonde, ethniquement, entre les communautés. La première chose à faire est de la réduire, que les populations réapprennent à vivre ensemble. Ce fameux vivre ensemble dont on parle beaucoup a été, je pense, bien abîmé.
Emmanuel Macron a annoncé une réunion fin septembre. Est-elle confirmée ?
Je ne confirme rien parce que je n’y étais pas, je n’en ai pas été officiellement informé. Ça a été dit aux parlementaires qui l’ont rencontré. Ils ont restitué ce qu’ils ont entendu et compris.
Sentez-vous les acteurs politiques locaux s’engager sur la voie de la reprise des discussions ?
J’ai participé à toutes les réunions qui se sont déroulées à Nouméa et à Paris. C’était deux pas en avant, trois pas en arrière. C’est un échec tout simplement. Et tout le monde est concerné. Maintenant, toutes ces réflexions vont pouvoir alimenter celles et ceux qui vont se concentrer sur la recherche d’un accord politique. Mais on ne pourra pas faire table rase de tout ce qui s’est passé depuis le 13 mai.
Quelles sont les positions sur les élections ?
C’est un sujet qui a été abordé par la ministre déléguée avec toutes les délégations. Il y en a qui les veulent cette année, les autres l’année prochaine. Rien que cela, c’est un sujet. Et avec quel corps électoral ? Il y a ceux qui considèrent que ça y est, le dégel est enterré, et d’autres pas du tout. On est dans un tunnel d’incertitudes politiques, économiques, financières et sécuritaires.
Propos recueillis par Chloé Maingourd et Yann Mainguet
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