Visé par un mandat d’arrêt international, Vladimir Poutine ne poursuit pas moins son activité diplomatique depuis sa réélection en mars dernier. Du moins, avec ses alliés. Le chef du Kremlin a reçu lundi 8 juillet le Premier ministre Narendra Modi, récemment réélu. Il s’agit de la première visite du dirigeant indien depuis le début du conflit en Ukraine, qui a été l’un des principaux sujets des discussions à Moscou et l’un des défis majeurs de New Delhi sur le plan diplomatique, tant les Occidentaux, qui souhaitent voir le pays le plus peuplé du monde s’éloigner de la Russie, ont multiplié les critiques. L’arrivée de Narendra Modi intervient peu après le déplacement de Vladimir Poutine en Corée du Nord et la visite du Premier ministre hongrois, Viktor Orban, dans la capitale.
Avant les entretiens élargis entre les deux délégations, Poutine et Modi ont d’abord échangé lors d’un tête-à-tête “informel” dans la résidence du président russe à Novo-Ogariovo, près de Moscou. « Vous avez vos propres idées, vous êtes une personne très énergique, vous savez comment obtenir des résultats dans l’intérêt de l’Inde et du peuple indien », a déclaré le chef du Kremlin. De son côté, le Premier ministre indien a remercié Vladimir Poutine pour son accueil, affirmant “attendre avec impatience les entretiens” de mardi, “qui contribueront certainement à renforcer les liens d’amitié” entre les deux pays. Au menu de ces entretiens : les relations bilatérales et la situation géopolitique.
Un “partenaire stratégique” bousculé par le conflit ukrainien
Ces liens se sont particulièrement renforcés lors de la Guerre froide. Moscou était alors le principal fournisseur d’armes de l’Inde avant que l’offre russe ne s’amenuise au fur et à mesure des conflits et des interventions de la Russie, particulièrement la guerre en Ukraine depuis février 2022. Ses exportations d’armes vers l’Inde ont chuté, poussant ce pays à se tourner vers d’autres fournisseurs, comme les États-Unis ou encore la France et ses avions Rafale.
Les Occidentaux ont de leur côté renforcé leurs liens avec New Delhi dans l’espoir de contrer l’influence chinoise dans la région Asie-Pacifique et d’éloigner l’Inde du Kremlin. Mais la Russie reste un partenaire commercial majeur et surtout, le fournisseur de pétrole bon marché, notamment après les nombreux paquets de sanctions occidentales qui ont ciblé ses hydrocarbures.
Le gouvernement de Narendra Modi a d’ailleurs refusé de prendre clairement et ouvertement parti, en ne condamnant pas l’attaque russe en Ukraine et en s’abstenant de voter les résolutions de l’ONU contre son allié. Les deux États, rappelons-le, sont des membres fondateurs des BRICS avec la Chine et le Brésil, un groupe réunissant une dizaine de pays depuis janvier dernier et se voulant le porteur d’un “ordre mondial multipolaire”.
Mais la guerre en Ukraine a bien eu un impact sur leurs relations. L’achat par Pékin, New Delhi ou encore Ankara du brut russe a suscité l’ire de l’Union européenne (UE), qui a brandi la menace de sanctions. En plus d’économiser des milliards de dollars, l’Inde générait une plus-value importante en vendant, au prix du marché et en toute légalité, en Europe comme aux États-Unis, des produits comme l’essence et le diesel fabriqués à partir de pétrole russe raffiné. En contrepartie, la Russie peut écouler son stock et maintenir son économie en temps de guerre et sous sanctions.
Telle est la raison pour laquelle Vladimir Poutine qualifie l’Inde de Modi de “partenaire stratégique particulièrement privilégié”. Mais cet arrangement complique les relations diplomatiques de l’Inde et le PM fraîchement réélu entendait le préciser devant son hôte.
Poutine se rend chez Kim Jong Un et reçoit Orban à Moscou
« La guerre ne peut résoudre les problèmes (…) Pour un avenir meilleur pour la prochaine génération, la paix est de la plus haute importance”, a-t-il déclaré. Narendra Modi va même plus loin, ajoutant : « Lorsque des enfants innocents sont assassinés, on les voit mourir, le cœur souffre et cette douleur est insupportable ». « En tant que véritables amis, nous étions ensemble et nous avons parlé d’un éventail de questions. Et j’étais content que sur l’Ukraine, nous puissions tous deux exprimer nos opinions ouvertement et en détail”, insiste-t-il.
L’autre objet de désaccords entre les deux pays est le rapprochement de Moscou avec Pékin, que New Delhi considère comme son rival sur plusieurs questions, aussi bien territoriales que géopolitiques et commerciales.
La dernière visite du PM indien remonte à 2019, avant d’accueillir Vladimir Poutine fin 2021, quelques mois avant le début du conflit. Les deux dirigeants se sont rencontrés pour la dernière fois en septembre 2022, lors d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai en Ouzbékistan.
Mais depuis mars 2023, Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt international qui a restreint ses déplacements, le privant par exemple du sommet des BRICS en Afrique du Sud. Le président russe a alors limité ses déplacements aux pays ne reconnaissant pas le mandat émis par la Cour pénale internationale (CPI), comme la Chine, l’Arabie Saoudite ou encore la Corée du Nord.
Depuis sa réélection pour un cinquième mandat en mars dernier, Poutine s’est déplacé à Pyongyang où il a rencontré Kim Jong Un pour signer un traité de défense mutuelle et d’assistance militaire, puis a reçu le Premier ministre hongrois Viktor Orban, dans le cadre de “sa mission de paix” en Ukraine, en Russie puis en Chine, une tournée qui suscite les critiques des États membres de l’UE.
France-Soir