DNC : Deux députés calédoniens de sensibilité politique opposée vont désormais siéger. Comment envisagez-vous la collaboration avec Emmanuel Tjibaou ?
Nicolas Metzdorf : C’est un peu tôt pour le dire, parce que je ne le connais pas et que je ne sais pas quelle sera sa ligne politique une fois arrivé en Métropole. Dans quel groupe va-t-il siéger ? Difficile de répondre, parce que je ne sais pas qui il est.
Cette association d’opinions divergentes à l’Assemblée nationale peut-elle toutefois favoriser le retour du dialogue en vue de la construction de l’avenir institutionnel ?
Ça dépend beaucoup de l’humain. De ce que j’ai pu constater, pour l’instant, les relations [avec Emmanuel Tjibaou] étaient faciles. Il faut voir dans la durée. Avoir un député de chaque camp donne beaucoup d’espoir, parce que les gens en ont besoin en ce moment. Mais je ne sais pas comment les choses vont évoluer. Je suis toujours prêt à discuter, échanger sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Si Emmanuel Tjibaou est dans une logique de porter la ligne radicale de l’Union calédonienne, ça va être compliqué. J’attends donc de voir quelle sera sa ligne politique.
Emmanuel Tjibaou a fait campagne sur le dialogue…
Oui. Jusqu’ici, il a tenu un discours modéré, constructif, apaisé, même rassurant, j’ose ce terme. Mais jusqu’à quand ce discours va-t-il tenir ? Car nous savons que les leaders indé- pendantistes qui ont tenté ces politiques-là ont été “rattrapés par la patrouille” du bureau politique de l’UC ou du congrès du FLNKS.
Cette nouvelle configuration vous amène- t-elle à lisser certaines positions ?
Non. Parce que je dis toujours la même chose depuis le début. Le bon sens, on ne le lisse pas. La violence, on la combattra toujours. Et on soutient évidemment la volonté de dialogue et de construction.
Nous avons trop connu ces dernières années des leaders qui nous laissaient espérer que ça allait bien se passer et qui, derrière, comme je le disais, se faisaient rattraper par la base radicale. Je ne veux pas donner de faux espoirs aux gens. Si c’est pour avoir Emmanuel Tjibaou juste en relais au sein de l’hémicycle et qu’il ne participe pas aux négociations…
Vous êtes-vous défini un calendrier sur la construction de l’avenir institutionnel ?
Je souhaiterais que l’on termine les discussions sur un accord global d’ici la fin de l’année.
Quel sera votre dossier prioritaire ?
L’urgence sociale et la relance économique. Le levier est très simple : obtenir des budgets dans le projet de loi de finances. Il faut de l’argent pour la Nouvelle-Calédonie. L’objectif est donc clair : rendez-vous auprès du président de la République, du Premier ministre, à Bercy.
Il faut beaucoup d’argent…
Énormément. Il faut a minima 1,5 milliard d’euros (soit 180 milliards de francs).
Est-ce possible et sous quelles formes ?
C’est possible en plusieurs fois. L’emprunt n’est pas la forme la plus souhaitable. Mais c’est aujourd’hui la nouvelle technique de l’État. Nous lui dirons alors que c’est à lui de payer, non pas en emprunt, mais en subvention directe, puisque la compétence de la sécurité et de l’ordre public, c’est la sienne. Et il a failli sur le sujet.
Toutefois, pour obtenir des budgets, une stabilité politique au niveau national est nécessaire. Êtes-vous inquiet ?
La majorité relative change de main. La dissolution n’a rien résolu, il va toujours falloir travailler avec des majorités d’idées comme nous le faisions jusque-là. Selon moi, la situation ne s’améliore pas, mais elle ne se dégrade pas non plus tant que ça.
Quelle peut être la composition du gouvernement ?
Le président de la République, Emmanuel Macron, semble vouloir créer une coalition, des LR (Les Républicains) jusqu’au parti socialiste. Une sorte de gouvernance républicaine, en écartant LFI et le RN. Pas simple. Mais il n’y a pas d’autre majorité.
Les Jeux olympiques peuvent-ils geler les urgences calédoniennes ?
J’imagine, mais nous n’en savons rien. Pourrons-nous avoir quand même un interlocuteur qui soit très à l’écoute à Bercy ou à Matignon ? Peut-être aussi. Il va falloir faire beaucoup de pédagogie dans un premier temps. Le deuxième sujet à défendre, selon moi, est le retour à l’ordre, car ce n’est pas encore réglé ni pour le Mont-Dore, ni pour les quartiers populaires de Nouméa, ni pour le reste de la Nouvelle-Calédonie. Il y a là, je trouve, un déficit de réalité de l’État sur la situation.
Comment traiter maintenant l’affaire de la loi sur le dégel ?
Nous verrons comment se comporte le nouveau gouvernement sur le sujet. Il y aura, je pense, un nouveau round de négociations.
L’ambition étant de l’intégrer dans un accord global…
C’est la volonté depuis le début. Ce n’est pas nous qui mettons un frein aux discussions sur un accord global intégrant le corps électoral. Au contraire. Nous ne pouvons pas aller aux élections provinciales avec un corps électoral gelé. Je ne change pas de ligne.
Propos recueillis par Yann Mainguet
Quel groupe ?
Député Renaissance dès l’élection de 2022, Nicolas Metzdorf réfléchissait mardi 9 juillet au choix du groupe à l’Assemblée nationale. « Les négociations sont en cours. » Le bloc Ensemble est bien sûr une option. Mais « il faut voir comment les groupes évoluent à l’intérieur » de la coalition présidentielle.
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