Dis-moi, combien tu gagnes ? Historiquement taboue, cette question se pose désormais un peu plus librement au travail, en particulier au sein des jeunes générations, à l’heure où le pouvoir d’achat reste une priorité pour les Français.
Selon une récente enquête menée par le site consacré à l’emploi Hellowork, 54 % des salariés se disent à l’aise pour parler rémunération avec leurs collègues, contre… 17 % en 2019.
Une autre étude publiée jeudi, menée par YouGov pour le cabinet de recrutement PageGroup, montre que sept salariés sur dix sont prêts à demander le salaire médian de leurs collègues.
« On constate vraiment depuis 3-4 ans un changement de paradigme côté candidats, et en partie côté employeurs, sur le fait d’aborder les questions de rémunération de manière plus claire« , affirme à l’AFP Laurent Blanchard, directeur général de PageGroup France.
« Une offre d’emploi qui fait mention d’une fourchette de rémunération a 30 à 50 % de candidatures en plus« , dit-il, tandis que 40 % des candidats ne postuleraient pas à une offre où le salaire n’est pas précisé, selon l’étude.
Parler librement
Historiquement, « comme le sujet était sensible, il semblait difficile d’en parler et les entreprises communiquaient peu« , affirme de son côté Delphine Landeroin, directrice de projets rémunérations chez LHH, une entreprise spécialiste en conseil RH. Mais depuis plusieurs années, elles ont « compris qu’il ne suffit pas de développer les dispositifs de rémunération, mais qu’il faut aussi communiquer et les expliquer« .
« En parallèle, les nouvelles générations (Y, Z…) font qu’au fil des années, c’est de moins en moins tabou : les salariés en parlent plus librement entre eux« , dit-elle.
Anne, cadre dans la finance, confirme qu’au sein de son groupe, « les plus jeunes n’ont aucun problème pour aborder des questions d’argent avec les managers« .
« C’est assez nouveau, je n’ai pas le souvenir d’oser parler très franchement de fric avec mes boss« , dit cette quadragénaire qui préfère rester anonyme.
Dans un billet titré « Celle qui n’avait plus peur de parler argent« , Joséphine Adjagbenon a récemment listé sur LinkedIn ce qui la freinait, comme la crainte que ce soit « perçu comme un signe de cupidité« .
À son compte comme attachée de presse depuis presque huit ans, elle explique à l’AFP en parler désormais « assez librement« , alors que quand elle avait « les codes du salariat« , c’était « assez caché« .
« Un peu faux-cul »
Pourquoi cette évolution ? Pour Jean-François Amadieu, professeur de gestion en ressources humaines à Paris 1, « on pourrait parler d’une sorte d’américanisation« .
Et avec les tensions de recrutement, le rapport de force entre candidats et employeurs « s’est un peu inversé » donnant « plus de pouvoir » aux salariés pour demander ce type d’informations, observe de son côté Laurent Blanchard.
Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH, pointe aussi un effet des réseaux sociaux : « Les gens racontent leur vie sur les sites, font des vidéos […], il n’y a pas de raison que les salaires ne soient pas concernés« .
Alors que « le salaire reste la première cause pour rejoindre une entreprise« , « pendant longtemps, on était dans une espèce de modèle un peu faux-cul quand même où on ne disait rien comme si c’était un secret d’État« , relève-t-il.
Transparence des rémunérations
Même en cours de carrière, « les gens n’hésitent plus à porter des revendications ou à faire leur propre comparaison » en s’appuyant entre autres sur des sites comme Glassdoor, selon lui.
Un mouvement qui devrait encore s’accélérer avec la directive européenne de 2023 sur la transparence des rémunérations qui doit être transposée d’ici juin 2026.
Outre la publication de fourchettes de rémunération pour les candidats, elle prévoit notamment que les salariés pourront demander « des informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens » des salariés ayant un travail « de même valeur« .
Demain, « tout un chacun pourra accéder à des informations qui n’étaient pas accessibles dans la grande majorité des entreprises« , affirme Laurent Termignon, directeur de l’activité Work and Rewards chez WTW.
Mais Benoit Serre met en garde contre une « tendance à aligner les salaires« , alors que les salariés sont aussi en demande de « reconnaissance individuelle« .
Même si pour l’heure, selon l’enquête Yougov, la directive est méconnue par une entreprise sur deux.
Le dernier bilan de l’Institut de la statistique des études économiques date de 2022. À cette date, « les salariés calédoniens, tous secteurs confondus et hors salariés des particuliers employeurs, gagnent en moyenne 345 000 F net par mois en équivalent temps plein (EQTP). La moitié d’entre eux ont un salaire compris entre 167 000 F et 366 000 F et le salaire médian est de 238 000 F. La qualification de l’emploi joue un rôle prépondérant sur le niveau de rémunération : le salaire moyen des ouvriers et employés est de 249 000 F ; il atteint 399 000 F dans les professions intermédiaires et 649 000 F pour les cadres et professions intellectuelles supérieures.«
Les Nouvelles Calédoniennes
Source www.lnc.nc