Les journées nationales d’action contre l’illettrisme se tiennent cette semaine, sauf en Calédonie, où les manifestations ont été repoussées à novembre. En 2013, l’Isee révélait qu’un adulte sur quatre éprouvait des difficultés dans les domaines fondamentaux de l’écrit. Et qu’elles étaient « graves ou fortes » pour 18 % de la population. Un constat établi pour certains Calédoniens dès l’école, et confirmé dans le secondaire.
En 2013, l’Isee concluait que « le parcours scolaire est le principal déterminant des carences en Français. » À l’entrée en seconde, les jeunes passent des tests qui permettent à l’enseignant de connaître le niveau de ses élèves, et les points à travailler en priorité. Ils viennent confirmer les résultats du brevet des collèges, jugés alarmants par Elisabeth Rodriguez. Elle est la représentante locale du SNALC, le syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur.
« On est en dessous des moyennes académiques des autres territoires. Et cette année encore, sur quatre critères d’entrée en seconde, mes élèves sont très bas. Ils ne sont pas à la moyenne et même en dessous, sur tout ce qui est vocabulaire, expression écrite, compréhension orale, grammaire, orthographe. » Cette professeure de lettres au lycée Jules-Garnier de Nouméa fait les brocantes pour offrir des livres à ses élèves.
« On a un drôle de rapport au livre, en Calédonie. La preuve : on les brûle. Les enfants n’ont pas accès autant qu’il faudrait au livre. Il y a des concours de lecture à voix haute. On va en profiter pour faire une liaison 3e et 2nde l’année prochaine. On fait venir une conteuse… Tout est prétexte à aborder le livre. Que la lecture devienne une activité ludique, plaisante« . Dans les collèges, le quart d’heure de lecture obligatoire tente de faire entrer la pratique dans le quotidien des jeunes.
Depuis peu, Elisabeth Rodriguez donne des cours d’expression française et de maîtrise de l’orthographe et de la grammaire à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. Dans l’amphi, ils sont une cinquantaine, venus de différentes filières. « On pourrait croire qu’en post-bac il n’y a pas ce problème de structure de phrase, d’orthographe, mais pas du tout. On est obligé de remettre des cours en post-bac pour qu’ils puissent s’exprimer correctement. La phrase qu’on entend le plus souvent c’est : ‘Madame, je ne sais pas comment dire ! Madame, vous voyez ce que je veux dire ?’ Ils n’ont pas le mot, pas l’expression, ne lisent pas, et c’est un cercle vicieux. »
Ils ne sont pas illettrés, nos élèves. Ils ont juste du mal à mettre en mot leur pensée, ou à comprendre le sens d’un texte au premier abord. Donc ça va leur demander beaucoup plus de concentration, de travail, d’effort. Et si c’est trop difficile, on se fatigue, et on lâche.
Elisabeth Rodriguez, professeure de lettres à Nouméa
Les jeunes lisent comme des « robots« , sans comprendre. « On voudrait que le mal soit pris à la racine, si on peut dire, pour leur faciliter les choses plus tard parce que ceux qui font des études supérieures sont obligés de savoir écrire correctement. Mes petits élèves de seconde me demandent en ce moment de les aider à écrire des lettres de motivation pour avoir un boulot d’été et gagner des pièces. La lettre de motivation, on doit la refaire trois fois, parce que ça ne va pas. »
Depuis 2019, une inspectrice de l’Éducation nationale est chargée de mission au gouvernement. Yolande Verlaguet est à l’origine d’une étude concernant la prévention et la lutte contre l’illettrisme, sortie en 2021. « Les choses évoluent dans le bon sens, de plus en plus d’acteurs s’impliquent. Des programmes ont permis d’offrir des parcours, des remises à niveau pour certaines personnes, notamment à l’école de la réussite. »
« Ce qu’il manque encore, ce sont des chiffres actualisés. Parce qu’entre 2013 et 2024, on a eu la crise Covid, et la crise insurrectionnelle. Malgré tout, entretemps, le projet éducatif a donné des orientations à l’école. L’école s’est investie, avec beaucoup d’actions de prévention, des innovations… Mais il faut à tout prix, maintenant, qu’on arrive à mesurer complètement, sur une tranche d’âge, quelle est la situation dans ce domaine. »
Les acteurs regroupés autour de cette problématique veulent également « avancer sur un outil, explique Yolande Verlaguet. Une grille de repérage des personnes en situation d’illettrisme qui avait été initiée par le réseau d’insertion, qu’on va proposer en groupe de travail pour faciliter le repérage, pour ceux qui sont en contact avec le public. Les personnes illettrées utilisent des stratégies pour essayer de cacher leur situation. Par conséquent, c’est difficile de proposer des solutions pour y remédier. »
La sixième édition des journées d’action contre l’illettrisme n’a pas lieu en ce mois de septembre en Nouvelle-Calédonie, comme c’est le cas au niveau national. L’opération a été différée à novembre, car les différents acteurs ont été dans l’impossibilité de se rencontrer pour la préparer. Seule la province Nord propose des actions cette semaine. Et notamment ce mercredi 11 septembre, au PIJ de Poya, où se tiendra un atelier pour créer sa boîte mail et apprendre à envoyer un courriel. Au BIJ de Koné, projection de films : L’illettré et Brillantes.
Outre-mer la 1ère – nouvelle calédonie
Source la1ere.francetvinfo.fr