Le statut quo ou bien un nouveau visage ? L’Iran a élu son nouveau président. C’est le candidat réformateur Massoud Pezeshkian qui a remporté samedi 06 juillet 2024 le second tour de l’élection présidentielle, face à Saïd Jalili, réputé pour être ultraconservateur. Le nouveau président, chirurgien de profession et député, a recueilli 53,6% des voix. Il appelle à “s’ouvrir au monde”, particulièrement l’Occident et les États-Unis, pour faire sortir l’Iran de son isolement. Nous dirigeons-nous vers une reconfiguration du bloc anti-occidental, dont les membres ont été les premiers à féliciter le nouveau président iranien ? Pas selon de nombreux observateurs qui rappellent que les grandes lignes politiques sont fixées par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, chef de l’Etat.
Député depuis 2008 au Parlement iranien où il représente la ville de Tabriz (Nord-ouest), Massoud Pezeshkian, chirurgien de profession et ancien ministre de la Santé entre 2001 et 2005 sous le gouvernement réformateur de Mohammad Khatami, dont il a reçu le soutien, a ouvertement prôné une “ouverture” de son pays sur le monde et un réchauffement des relations de l’Iran avec les pays occidentaux, à leur tête les États-Unis.
“S’ouvrir à l’Occident” et “sortir de l’isolement”
« Nous tendrons la main de l’amitié à tout le monde, nous sommes tous des habitants de ce pays, nous devrions utiliser tout le monde pour le progrès du pays », a-t-il déclaré après la nouvelle de son élection, remerciant par la même occasion ses sympathisants. Cette déclaration confirme celles qui ont jalonné sa campagne des semaines auparavant. « Nous ne serons ni anti-occidental ni anti-Est », avait-il affirmé.
Au niveau national, Massoud Pezeshkian a promis de lever les restrictions imposées au réseau Internet et s’est dit “pleinement opposé” aux patrouilles de la police des mœurs, chargée de mettre en œuvre l’obligation pour les femmes de porter le voile. Il s’agit-là de l’une des causes du mouvement de protestation que l’Iran a connu fin 2022, suite au décès de Mahsa Amini, jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire et morte en garde à vue. « Nous nous opposons à tout comportement violent et inhumain (…) notamment envers nos sœurs et nos filles, et nous ne permettrons pas que de tels actes se produisent » a-t-il notamment déclaré.
Le nouveau président, élu lors de présidentielles marquées par une forte abstention au premier tour et organisées suite à la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère en mai dernier, a également exprimé son projet d’accroître la représentation des femmes et des minorités, religieuses ou ethniques, dans le gouvernement. Sur le plan économique, il promet de réduire une inflation qui galope autour de 40% et estime que son pays a besoin de 200 milliards de dollars d’investissements étrangers, qui ne peuvent être réalisés que si l’Iran sorte de son “isolement”.
Il a appelé Washington à des “relations constructives” et promis de négocier la relance des discussions sur le nucléaire iranien, au point mort après le retrait signé par Donald Trump en 2018 et les sanctions économiques qui ont suivi. Sa position est à l’opposé de son rival lors du scrutin, Saïd Jalili. Ce conservateur était lui-même négociateur dans le dossier nucléaire entre 2007 et 2013, s’opposant à l’accord conclu en 2015 entre l’Iran et les Occidentaux.
Peu de marges de manœuvres
Dans quelle mesure ces promesses sont-elles applicables ? Massoud Pezeshkian, dont l’accession au pouvoir a créé la surprise après s’être confronté à cinq candidats conservateurs, devient président dans un contexte marqué par la domination des conservateurs sur les institutions iraniennes comme le Parlement. De surcroît, la République islamique n’a eu de cesse de renforcer, ces dernières années, ses positions fermées sur le plan international.
Celui qui se dit “loyal” à cette République a été félicité par les pays alliés de l’Iran en premier. Le président russe Vladimir Poutine, a dit espérer « un renforcement » des relations entre les deux pays « pour le bien de nos peuples amis ». Jusqu’à maintenant, ces deux pays sont sujets à des sanctions occidentales et se distinguent par leur farouche hostilité à l’égard des USA. Téhéran est d’ailleurs membre depuis janvier dernier des BRICS, ce bloc politico-économiqe, porteur d’un « ordre mondial multipolaire”. L’Iran et la Russie « coordonnent leurs efforts de manière efficace pour résoudre les questions d’actualité internationale », a ajouté le chef du Kremlin.
Le président chinois, Xi Jinping, a également félicité Massoud Pezeshkian. Pour rappel, Pékin est le premier fournisseur commercial de Téhéran et l’un des principaux clients de son pétrole sous sanctions. Narendra Modi, Premier ministre indien, a appelé à “un approfondissement des chaleureuses et anciennes relations bilatérales » entre les deux pays.
Même son de cloche à Djeddah, qui a dernièrement renoué avec l’Iran après des années d’hostilités, grâce à des efforts diplomatiques chinois. Le roi Salman d’Arabie saoudite a adressé au président iranien élu ses “sincères félicitations et ses meilleurs vœux de succès et de réussite”, affirmant “vouloir continuer à développer les relations qui lient les deux pays et les deux peuples frères”.
A en croire certains commentateurs, “personne ne devrait s’attendre à ce que l’approche de l’Iran en matière de politique étrangère change fondamentalement”. Ce qui est sûr : l’Iran doit à nouveau accepter une cohabitation entre un guide suprême conservateur, qui détient les principaux pouvoirs, et un président réformateur, qui appelle à s’ouvrir à l’Occident et à être plus tolérant mais dont les responsabilités sont limitées.
Source France-Soir