Le patrimoine kanak dispersé perd un de ses plus grands défenseurs. Roger Boulay est mort à 81 ans, dans la nuit de lundi à mardi, à Torcé-en-Vallée, dans la Sarthe. Selon NC La 1ere, l’ethnologue est décédé d’une insuffisance respiratoire après avoir été hospitalisé quelques jours.
Pendant trente ans, ce spécialiste de l’art océanien a sillonné les musées du monde en quête du patrimoine kanak dispersé. Il a réalisé plus de 3 000 dessins de ces objets.
En 1979, Jean-Marie Tjibaou, à l’époque chef du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a confié une mission exceptionnelle à un étudiant en ethnologie devenu plus tard spécialiste des arts océaniens, Roger Boulay.
À l’aube des années 80, cette mission consiste à répertorier les objets kanak des deux derniers siècles dispersés dans les musées du monde entier, pour répondre au triple souhait de Jean-Marie Tjibaou : » Savoir où se trouvaient ces objets, mais aussi dans quelles conditions ils étaient conservés et ce qu’on racontait des Kanak à travers eux « , résumait Roger Boulay en 2022 à l’aube d’une exposition consacrée au patrimoine kanak au musée du Quai-Branly à Paris. L’ethnologue se souvient » être tombé « , dans la foulée de Mélanésia 2000, » dans une période de bouillonnement, d’effervescence permanente autour d’une culture kanak extrêmement vivante « .
Casse-tête et sagaies
S’en sont suivies trente années d’un travail de recensement minutieux, au cours duquel Roger Boulay et Emmanuel Kasarhérou ont » identifié et manipulé 21 000 objets, dont 5 000 pièces essentielles « . Si les deux hommes ont répertorié des pièces dans 162 musées dans le monde, leur quête a fait florès dans » six lieux qui conservent à eux seuls 66 % de ce patrimoine : d’abord le musée du quai Branly, qui détient le plus de pièces, puis dans l’ordre ceux de Nouméa, de Vienne – en Autriche- de Berlin, de Bâle, et le musée Pigorini à Rome « , révélait Roger Boulay à l’époque. Entre les mains des deux experts, au gré des musées, sont passées des flèches faîtières, des appliques, des pierres à magie, des haches cérémonielles et des sculptures monumentales, mais surtout quantité d’armes : » Casse-tête et sagaies constituent à elles seules la moitié de ces collections publiques « , indiquait le spécialiste.
Plus de 3 000 croquis et fines aquarelles des objets inventoriés ont été réalisés par l’ethnologue. Photo Thibaut Chapotot / Musée du quai Branly – Jacques-Chirac
Chaque pièce, sitôt découverte, a fait l’objet d’une fiche biographique, d’une description et d’une trentaine de photos signées Emmanuel Kasarhérou. Dix ans après le début de la mission, en 1990, Roger Boulay avait » suffisamment de fiches pour organiser une première exposition « . Ce sera » De jade et de nacre « , un événement qui » a attiré au musée de la Nouvelle-Calédonie 8 000 personnes en deux mois et demi, ce qui, à l’échelle du territoire, est considérable. Il y avait un vrai besoin de connaître ce patrimoine « .
Mission IPKD
À partir de 2011, les moyens mis à disposition par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour mener à bien ce travail évoluent. La mission » IPKD » pour » Inventaire du patrimoine kanak dispersé » voit le jour. Une équipe de quatre personnes est alors constituée, ce qui permet à Roger Boulay de prendre le temps d’enrichir cette mise en lumière par » une approche complémentaire « , sous la forme de nombreux croquis à l’encre et à l’aquarelle représentant in extenso les pièces remarquables, mais aussi les détails d’une flèche faîtière, d’une attache, d’une façon de tresser.
L’exposition « Carnets kanak. Voyage en inventaire de Roger Boulay » a été accueillie au musée du quai Branly-Jacques Chirac d’octobre 2022 à mars 2023 avant de prendre la direction du Centre culturel Tjibaou d’octobre 2023 à fin février 2024.
Le gouvernement réagit
Dans un communiqué envoyé ce mercredi après-midi le gouvernement annonce apprendre « avec une profonde tristesse le décès de Roger Boulay ». L’exécutif rappelle que c’est « sous l’impulsion de Déwé Gorodey, membre du gouvernement chargée de la culture, et grâce aux moyens mis à disposition par la Nouvelle-Calédonie à partir de 2011, que la mission « Inventaire du patrimoine kanak dispersé – IPKD » a pu voir le jour ». Un projet qui a donné naissance à l’exposition » Kanak, l’Art est une Parole » (2013-2014), à l’issue de laquelle la base de données constituée en 2011 a été restituée à la Nouvelle-Calédonie en 2015. Une exposition aujourd’hui hébergée et gérée par le Musée de la Nouvelle-Calédonie.
Enfin, le gouvernement adresse « ses plus sincères condoléances à sa famille, ainsi qu’à ses proches ».
Source Les Nouvelles Calédoniennes