Sanofi informait mal les patients sur les risques de la Dépakine dès la fin des années 1990. C’est le sens d’un nouveau jugement qui s’ajoute à d’autres décisions déjà défavorables pour le groupe pharmaceutique français dans ce dossier judiciaire encore loin d’être soldé.
Le tribunal judiciaire de Paris a déclaré lundi Sanofi « responsable d’un défaut d’information des risques malformatifs et neurodéveloppementaux de la Dépakine, qu’elle commercialisait, du maintien en circulation d’un produit qu’elle savait défectueux ».
Cette décision, révélée par Le Monde et consultée mardi par l’AFP, est le dernier développement en date dans l’affaire de la Dépakine, l’un des principaux dossiers judiciaires liés à la santé publique ces dernières années en France.
La Dépakine, basée sur la molécule valproate de sodium, est un traitement anti-épileptique qui est donné depuis la fin des années 1960, y compris à des femmes enceintes.
On sait désormais que, dans ce dernier cas, ce médicament cause fréquemment des malformations ou des troubles du développement chez l’enfant.
Selon des estimations des autorités sanitaires françaises, la molécule serait responsable de malformations chez 2.150 à 4.100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16.600 à 30.400 enfants.
Depuis une dizaine d’années, une vaste série de procédures judiciaires visent Sanofi, le laboratoire étant principalement accusé d’avoir mal informé les patients sur les risques du médicament.
La décision rendue lundi n’est pas la première à impliquer la responsabilité de Sanofi. En 2022, le laboratoire avait déjà été condamné à verser 450.000 euros à une patiente dont la fille était née avec des malformations en 2005.
Mais le nouveau jugement est notable sur plusieurs points. D’abord, quant à l’identité emblématique de la plaignante. Il s’agit de Marine Martin, principal visage des victimes de la Dépakine
Mme Martin a notamment créé en 2011 une association, l’Apesac, qui a largement contribué à donner un écho médiatique et judiciaire à cette affaire.
Ensuite, le jugement reconnaît la responsabilité de Sanofi dans les pathologies des deux enfants de Mme Martin, alors qu’ils sont nés avant la fille de la première plaignante : en 1999 et 2002.
– Plaintes au pénal –
Cela élargit donc, en matière de jurisprudence, la période pour laquelle le laboratoire est susceptible d’être condamné à indemniser des patients. Ici, Sanofi doit verser près de 300.000 euros à Mme Martin et sa famille.
Dès l’époque des grossesses de Mme Martin, les « risques signalés auraient dû conduire la société Sanofi-Aventis France à mettre en œuvre des moyens accrus pour identifier la réalité du risque et la faire connaître », a estimé dans un communiqué Charles Joseph-Oudin, avocat de Mme Martin.
Interrogé par l’AFP, Sanofi a, lui, annoncé qu’il ferait appel et, plus largement, réitéré sa position sur la Dépakine.
Le groupe estime avoir assez tôt demandé aux autorités sanitaires françaises de modifier la notice du médicament, et leur renvoie la responsabilité de ne pas avoir donné suite à cette requête.
« Sanofi a respecté ses obligations en informant l’Autorité de santé et en demandant des modifications des documents d’information au fur et à mesure de l’évolution des connaissances scientifiques sur les risques associés au traitement », insiste le groupe.
Cette décision n’est, en tout état de cause, qu’une étape dans un dossier judiciaire rendu particulièrement complexe par le grand nombre de procédures encore en cours et leur nature différentes.
Sur le plan civil, parallèlement aux actions individuelles comme celles de Mme Martin, des actions de groupe, qui rassemblent un grand nombre de patients, sont en cours d’examen par la justice.
Le dossier a également un volet pénal dans lequel des plaintes pour « homicide involontaire » ont été déposée, non seulement contre Sanofi mais aussi l’Agence du médicament (ANSM).
AFP