Un retour à la Guerre froide ou à la Guerre … mondiale ? Les mesures et la rhétorique employées aussi bien par Washington et ses alliés transatlantiques que par Moscou rappellent bien un air de fin des années 1970 et 1980. Réagissant à l’annonce par la Maison Blanche et Berlin sur le déploiement “épisodique” de missiles de longue portée en Allemagne en 2026, le Kremlin a mis en garde l’Europe contre le risque que ses capitales deviennent en retour ses cibles. La Russie dénonce “une forme de retour à la guerre froide” et ses crises de missiles tandis que les États-Unis brandissent la menace d’une “réponse écrasante” si “toute action militaire était dirigée contre un allié de l’OTAN.
Lors du sommet de l’OTAN qui s’est tenu la semaine passée dans la capitale américaine, Washington et Berlin ont annoncé dans un communiqué commun le début, à partir de 2026, du déploiement “épisodique” de missiles de longue portée sur le territoire allemand. Il est question des missiles SM-6, Tomahawk ou encore d’équipements hypersoniques en cours de conception.
Une “situation paradoxale”, pour Moscou
Pour les États-Unis, ceci démontre son “engagement” en faveur de l’alliance transatlantique et sa “contribution à une dissuasion européenne intégrée”. Olaf Scholz, chancelier allemand, a salué une décision “nécessaire et importante, prise au bon moment et qui garantit la paix”. A l’heure actuelle, les forces militaires allemandes ne disposent pas de missiles de longue portée sol-air mais uniquement des missiles de croisière comme les Taurus, pouvant être lancés depuis des avions comme l’Eurofighter ou le Tornado.
A l’issue du sommet, les États membres ont souligné que l’invasion de l’Ukraine “a fait voler en éclats la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique et nuit gravement à la sécurité internationale”, affirmant que “la Russie demeure la menace la plus explicite et la plus directe contre la sécurité des Alliés”. Voilà qui est dit.
Le Kremlin a immédiatement réagi, regrettant une “situation paradoxale”. “L’Europe est une cible pour nos missiles, notre pays est une cible pour les missiles américains en Europe. Nous avons déjà connu cela, nous l’avons traversé. Nous avons la capacité de contenir ces missiles, mais les victimes potentielles d’une riposte russe sont les capitales de ces pays européens”, a fait remarquer Dmitri Peskov, porte-parole du gouvernement russe.
Moscou dénonce une “forme de retour à la guerre froide”, cette période-là marquée par l’affrontement entre l’URSS et les États-Unis et les fameuses crises des euromissiles ou de Cuba. Les deux superpuissances ont mis fin à la surenchère en signant en 1987 le traité sur les Forces nucléaires intermédiaires, qui interdisait les missiles balistiques et de croisière tirés depuis le sol, à charge conventionnelle ou nucléaire et d’une portée allant jusqu’à 5 500 kilomètres.
Mais les États-Unis se sont retirés du traité en 2019 pendant la présidence de Trump, qui accusait la Russie de ne pas tenir ses engagements avec les missiles 9M729 qui équipent les systèmes Iskander. Moscou a alors rappelé que son moratoire restait en vigueur uniquement si son ennemi juré ne déployait pas de pareils engins à une distance leur permettant de l’atteindre.
Un bégaiement de l’histoire. Le département d’État américain a réagi, à son tour, à la déclaration de Dmitri Peskov, affirmant que “les États-Unis et l’OTAN ne recherchaient pas un conflit militaire avec la Russie”. Toutefois, “toute action militaire dirigée contre un allié de l’OTAN entraînera une réponse écrasante”. “La Russie est la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la région euro-atlantique”, a-t-il dit, ajoutant “c’est Moscou qui a commencé cette guerre”.
L’annonce de Washington et de Berlin est d’autant plus inquiétante qu’elle intervient quelques semaines après qu’ils aient donné, avec la France et le Royaume-Uni, leur feu vert à Kiev pour cibler le territoire russe avec leurs missiles, en réaction à la déroute des forces ukrainiennes sur le front. Plusieurs mois avant cette décision, le Kremlin a dénoncé des “déclarations belliqueuses” de la part des Occidentaux, entre ceux qui évoquaient le déploiement de troupes en Ukraine, le président Emmanuel Macron à leur tête, et ceux qui se montraient alarmistes quant au risque d’une confrontation directe avec la Russie.
En réaction aux mesures transatlantiques, la Russie a sans cesse agité la menace nucléaire, affirmant son intention de frapper les cibles occidentales. Vendredi, Andreï Belooussov, ministre de la Défense russe et Lloyd Austin, son homologue américain, se sont parlés. Une désescalade a été évoquée selon Moscou. L’importance de maintenir les lignes de communication ouvertes a été au cœur des échanges, selon Washington.
France-Soir